La cession d’un fonds de commerce n’emporte pas cession des contrats qui y sont attachés

Par Nicolas Sidier et Pierre Détrie

Par un arrêt du 28 juin 2017 (n°15-17.934), la chambre commerciale de la Cour de cassation rappelle le principe selon lequel, sauf exceptions, la cession de fonds de commerce n’emporte pas transfert des contrats qui y sont attachés. Les faits étaient particulièrement intéressants.

 

La société Pampr’oeuf production avait confié en janvier 2011 à une agence immobilière un mandat en vue de la recherche d’un domaine agricole à acquérir. Le mandat prenait fin le 7 janvier 2012.

 

L’agence immobilière était mise en liquidation judiciaire en avril 2011. En septembre 2011, le juge-commissaire ordonnait la cession du fonds de commerce au profit d’une agence immobilière en qualité de repreneur.

 

La société Pampr’oeuf production ayant acquis le domaine visé au mandat en décembre 2011, le repreneur l’assignait aux fins d’obtenir le paiement de sa commission.

 

En appel, Pampr’œuf Production était condamnée à payer la commission au repreneur (une somme de 460.460 euros), la Cour ayant estimé que le mandat avait été transféré de plein droit. Elle se pourvoit contre cet arrêt et obtient sa cassation, la Cour d’appel ayant retenu à tort que le « mandat de recherche d’un bien immobilier à acquérir fait partie de la clientèle d’un fonds de commerce d’agent immobilier et que, l’acte de cession du fonds de commerce comprenant la clientèle, le mandat a été cédé de plein droit » au repreneur.

 

Or, la cession d’un fonds de commerce n’emporte pas de plein droit la cession des contrats liés à l’exploitation de ce fonds. Cela tient au principe selon lequel les créances et dettes ne font pas partie du fonds de commerce, principe qui a été parfaitement résumé par un arrêt de la Cour d’appel de Paris (CA Paris, 19 juin 1991) :

 

« Il est de principe constant que le fonds de commerce n’est pas un patrimoine autonome, et ne comprend ni les dettes ni les créances du commerçant ; par voie de conséquence, les contrats en sont exclus ; il n’est d’exception que pour certains d’entre eux admis par la loi à savoir les contrats de travail, d’assurance, d’édition et de bail ; pour tous les autres, il appartient aux parties de prévoir leur inclusion, ce qui peut être fait, de manière expresse ou tacite, et dans les cas seulement où lesdits contrats n’ont pas été passés intuitu personae ».

 

Par conséquent et en l’absence de mention spécifique dans l’acte, les mandats n’ont pas été transmis au repreneur. Cette solution en apparence simple est au cas présent particulièrement contraignante pour ne pas dire sévère dans un domaine d’activité où la clientèle dépend de l’existence de mandats signés conformément aux dispositions de la loi Hoguet. Il y a avait peut-être une légèreté du rédacteur d’acte à ne pas identifier les mandats effectivement en cours lors de la signature du contrat de cession de fonds.

 

Cet arrêt est l’occasion de rappeler les exceptions à ce principe :

 

– la principale est le droit au bail (étant expressément désigné par l’article L. 141-5 du Code de commerce comme faisant partie des éléments du fonds de commerce) ;
– les contrats de travail attachés au fonds (article L. 1224-1 du Code de commerce) ;
– le contrat d’assurance, étant précisé que chaque partie (l’assureur et l’acquéreur du fonds) dispose d’une faculté de résiliation ; article L. 121-10 du Code des assurances) ;
– ou encore le contrat d’édition qui est transmis sans que soit nécessaire l’autorisation de l’auteur, celle-ci étant uniquement requise en cas de transmission du contrat indépendamment du fonds de commerce.

 

La transmission des autres contrats nécessaires à l’exploitation du fonds implique la rédaction de stipulations expresses. A défaut, ces contrats ne sont pas transmis et restent avec le cédant.