Dernières précisions sur l’effet libératoire du reçu pour solde de tout compte

Par Julie De Oliveira et Sophie Duminil

Par un arrêt du 14 février dernier (n° 16-16617), la chambre sociale de la Cour de cassation est venue préciser que le reçu pour solde de tout compte n’a d’effet libératoire que pour les sommes qu’il mentionne expressément dans le détail et dans le corps du document, selon l’attendu de principe suivant :

 

« Mais attendu qu’il résulte de l’article L. 1234-20 du code du travail, dans sa rédaction issue de la loi n° 2008-596 du 25 juin 2008, d’une part, que l’employeur a l’obligation de faire l’inventaire des sommes versées au salarié lors de la rupture du contrat de travail, d’autre part, que le reçu pour solde de tout compte n’a d’effet libératoire que pour les seules sommes qui y sont mentionnées, peu important le fait qu’il soit, par ailleurs, rédigé en des termes généraux ; que le reçu pour solde de tout compte qui fait état d’une somme globale et renvoie pour le détail des sommes versées au bulletin de paie annexé n’a pas d’effet libératoire

 

Dans ce cas d’espèce, la salariée avait bien signé un reçu pour solde de tout compte dans lequel il était indiqué qu’elle reconnaissait avoir reçu de son ancien employeur son certificat de travail et « pour solde de tout compte la somme de 3 872,20 euros en paiement des salaires, des accessoires de salaire et de toute indemnité quels qu’en soient la nature et le montant » dus  « au titre de l’exécution et de la cessation » du contrat de travail.

 

Il était également précisé que les différentes sommes dues au salarié étaient détaillés sur le bulletin de paie.

 

Il est effectivement courant pour les employeurs de s’en rapporter au bulletin de paie annexé au reçu pour solde de tout compte, ce qui a l’avantage de la simplicité et de la rapidité.

 

Cela est désormais expressément exclu par la Cour, qui poursuit et précise son raisonnement sur le reçu pour solde de tout compte dans cet arrêt publié au bulletin.

 

L’article L 1234-20 du Code du travail laisse, il est vrai, peu de marge de manœuvre dans sa rédaction actuelle :

 

« Le solde de tout compte, établi par l’employeur et dont le salarié lui donne reçu, fait l’inventaire des sommes versées au salarié lors de la rupture du contrat de travail.


Le reçu pour solde de tout compte peut être dénoncé dans les six mois qui suivent sa signature, délai au-delà duquel il devient libératoire pour l’employeur pour les sommes qui y sont mentionnées
. »

 

La chambre sociale de la Cour de cassation avait déjà précisé dans un arrêt de 2013 (n°12-24985) que le reçu pour solde de tout compte n’avait d’effet libératoire que pour les seules sommes mentionnées, peu important le fait qu’il soit, par ailleurs, rédigé en des termes généraux.

 

Le reçu visait une somme globale de solde de tout compte ainsi que la nature des chefs de créances comprises dans cette somme (paiement des salaires, accessoires de salaire, remboursement de frais, etc.).

 

La Cour ne s’était alors pas prononcée sur le fait de savoir s’il est également nécessaire de mentionner le détail chiffré de chaque chef de créance pris séparément.

 

Dans l’arrêt du 14 février 2018, les juges n’ont pas eu à statuer sur ce point non plus. Cette précision aurait pourtant été utile.

 

Pour ne pas perdre une occasion de contester la recevabilité de demandes du salarié formulées au titre du solde de tout compte, l’employeur aura tout intérêt à jouer la sécurité et y mentionner le détail chiffré de chaque poste de créance en reprenant ce qui figure déjà sur le bulletin de paie joint.

 

Cette récente décision fait écho à une autre problématique récurrente sur le reçu pour solde de tout compte : celle de l’effet libératoire du reçu pour solde de tout compte, non dénoncé dans le délai légal de 6 mois, mais contenant des réserves émises par le salarié.

 

En effet, de plus en plus de salariés, lorsqu’ils se décident à signer le reçu en question, écrivent la mention « sous réserve de mes droits passés, présents et futurs ».

 

La question n’a pas encore été tranchée à ce jour par la Cour de cassation.

 

La cour d’appel de Versailles a, pour sa part, répondu par la négative dans un arrêt du 5 mai 2009 (n° 08-3319) et considère que le reçu n’a alors pas d’effet libératoire.

 

Selon nous, cette solution devrait varier en fonction de la formulation exacte des réserves opérées par le salarié ; le reçu pour sole de tout compte pourrait ainsi se voir reconnaître un effet libératoire, au moins partiel, pour certaines sommes.