Loi éthique du sport : le retour du droit à l’image des sportifs

Par Gauthier Moreuil

Après l’Assemblée nationale le 12 janvier dernier, le Sénat a définitivement adopté le 15 février 2017 (en deuxième lecture) la proposition de loi visant à préserver l’éthique du sport, à renforcer la régulation et la transparence du sport professionnel et à améliorer la compétitivité des clubs.

 

Ce texte entend adapter la réglementation française aux nouveaux enjeux éthiques et économiques du sport professionnel, dans le contexte de la candidature de Paris pour l’organisation des Jeux Olympiques de 2024.

 

Sur le volet économique, il instaure un dispositif permettant aux associations et sociétés sportives de verser aux sportifs (et aux entraîneurs) professionnels une rémunération non soumise aux cotisations sociales au titre de l’exploitation commerciale des éléments de leur personnalité (image, nom, voix).

 

Cette rémunération aurait la nature de redevance, à l’instar de ce qui existe déjà pour les artistes du spectacle et les mannequins (article L.7121-8 et L.7123-6 du code du travail), et ce sous les mêmes conditions cumulatives :

 

– L’exploitation doit intervenir hors présence physique de l’intéressé.

 

– La somme versée ne doit pas être déterminée en fonction du salaire de l’intéressé mais en fonction des recettes générées par l’exploitation.

 

Le texte reprend ainsi la proposition n°7 du rapport du Groupe de travail pour un modèle durable du football français (Commission Glavany) du 29 janvier 2014, qui plaidait pour une distinction des revenus liés à la performance sportive, qui correspondent au travail du salarié, et ceux liés à l’exploitation de son image, qui sont distincts de l’activité salariée et ne seraient de ce fait pas soumis aux cotisations sociales.

 

L’objectif est bien entendu de renforcer la compétitivité des clubs français, qui subissent depuis le fameux arrêt Bosman une concurrence accrue de leurs voisins européens soumis à des charges sociales inférieures.

 

On s’en souvient, ce même objectif avait conduit en 2004 à l’adoption d’un dispositif similaire relatif au droit à l’image collective (DIC), prévoyant une rémunération assise sur les recettes commerciales générées par l’exploitation de l’image collective de l’équipe, laquelle était plafonnée à 30 % de la rémunération brute totale du sportif.

 

Après quelques années de pratique, suivant les préconisations de la Cour des comptes, les parlementaires avaient cependant décidé d’abroger le DIC dans le cadre de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2010.

 

Cette suppression était alors motivée par le fait que la rémunération versée aux sportifs était en réalité forfaitaire, car correspondant en pratique au plafond de 30 %, de sorte qu’il ne s’agissait pas d’une redevance et que le dispositif relevait donc d’une mesure d’exonération de cotisations sociales devant donner lieu, conformément à l’article L.131-7 du code de la sécurité sociale, à compensation intégrale aux régimes concernés par le budget de l’Etat.

 

Le nouveau dispositif permettrait-il d’éviter cet écueil ? Rien n’est moins sûr car, tout comme pour le DIC, il est prévu qu’un plafond à la redevance susceptible d’être versée au sportif soit fixé par une convention ou un accord collectif national.

 

Quoiqu’il en soit, l’adoption définitive de ce texte est une aubaine pour les clubs, qui devront toutefois être extrêmement vigilants et précis dans la rédaction des contrats correspondants et leur mise en œuvre, notamment sur la question des avances sur redevance, afin d’éviter les chausse-trappes et le risque corrélatif d’un redressement URSSAF.

 

Précisons à cet égard que, bien que cette redevance constitue un revenu du patrimoine, il est prévu que le recouvrement des contributions sociales (CSG, CRDS, etc.) afférentes – qui devront être précomptées par le club – sera effectué par l’URSSAF et non par l’administration fiscale.

 

Il faut désormais attendre la publication d’un décret, qui viendra préciser les catégories de recettes susceptibles de constituer l’assiette de calcul de la redevance. Selon toute vraisemblance, ces catégories seront les mêmes que pour le DIC (sponsoring, merchandising, publicité, droits de retransmission en différé).

 

Certaines circulaires nécessiteront en outre une refonte, en particulier la circulaire du 28 juillet 1994 relative à la situation des sportifs au regard de la sécurité sociale et du droit du travail.

 

Enfin, une révision des conventions collectives nationales applicables est prévue par le texte et la question de leur articulation avec ce nouveau dispositif se pose en tout état de cause.

 

La CCNS fixe en effet à son article 12.11 des règles pour l’exploitation de l’image et du nom des sportifs et des entraîneurs dans le cadre de l’exécution du contrat de travail, en distinguant l’image associée collective, dont l’employeur décide librement et sans contrepartie financière de l’exploitation, et l’image associée individuelle, qui nécessite l’accord du salarié.

 

Rappelons que l’image associée est la combinaison de celle du sportif et de celle de l’employeur (nom, emblème ou autres signes distinctifs) et que l’image associée collective suppose que 50 % de l’effectif présent sur le terrain pour la discipline considérée soit concerné, ce nombre étant le cas échéant arrondi au nombre entier inférieur.

 

La CCNS précise que tout autre cas d’exploitation de l’image associée collective ou individuelle doit être prévu par le contrat de travail de l’intéressé, ce qui n’est évidemment pas compatible avec le nouveau dispositif puisque celui-ci impose la conclusion d’un contrat distinct du contrat de travail.

 

La charte du football professionnel prévoit quant à elle (article 280) que, par la signature de son contrat de travail, le joueur donne à son club l’autorisation d’utiliser son image et/ou son nom reproduits d’une manière collective et individuelle, sous réserve que 5 joueurs au moins de l’effectif soient exploités d’une manière rigoureusement identique.

 

Puisque cette autorisation résulte du contrat de travail et qu’elle ne nécessite pas de contrepartie financière, le champ d’application du nouveau dispositif semble en l’état extrêmement limité.

 

Il est donc souhaitable que la réforme soit menée tambour battant sur tous les fronts, afin d’assurer son efficacité et éviter que le scénario du DIC se répète.