Ordonnances Macron : Focus sur les mesures de sécurisation des ruptures du contrat de travail

Par Julie De Oliveira et Bénédicte Sorel

L’Ordonnance n°2017-1387 du 22 septembre 2017 relative à la prévisibilité et la sécurisation des relations de travail prévoit diverses mesures impactant la rupture du contrat de travail et la contestation du licenciement.

 

* Un barème pour limiter les indemnités pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

 

Le nouveau barème a été dévoilé. Ont été fixés des montants planchers et des plafonds selon l’ancienneté du salarié.

 

La loi El Khomri avait instauré un barème indicatif. Le nouveau barème édicté par l’ordonnance est obligatoire.

 

Ainsi, un salarié dont le licenciement est jugé sans cause réelle et sérieuse ne pourra prétendre à 6 mois de salaire que s’il justifie de 5 ans d’ancienneté (contre 2 ans auparavant), et 12 mois de salaire à compter de 14 ans d’ancienneté. Après 30 ans d’ancienneté, le maximum qu’il pourra espérer obtenir sera de 20 mois de salaire. En outre, un plancher de 3 mois de salaire est fixé après 2 ans d’ancienneté.

 

Un barème dérogatoire est applicable aux entreprises employant habituellement moins de onze salariés. L’indemnité maximale prévue dans ce cas pour un salarié ayant 10 ans d’ancienneté est de 2,5 mois de salaire (au lieu de 10 mois).

 

Attention, ce barème ne s’applique pas si le licenciement est entaché de nullité du fait de la violation d’une liberté fondamentale, d’un harcèlement moral ou sexuel, d’une discrimination, de la violation de l’égalité hommes/femmes, de la dénonciation de crimes et délits ou de l’exercice d’un mandat par un salarié protégé.

 

Si ce barème fixe des plafonds relativement faibles, en deçà des montants couramment ordonnés par les conseils de prud’hommes, nul doute que les salariés vont multiplier les demandes et attaquer les employeurs sur le terrain du harcèlement ou de la discrimination par exemple pour échapper au barème précité et obtenir une indemnisation plus élevée.

 

Il y a donc un risque de nouvelle orientation des contestations de licenciement et de complexification des contentieux prud’homaux.

 

A noter également que l’ancienneté dont doit justifier un salarié pour ouvrir droit à l’indemnité de licenciement est désormais de 8 mois ininterrompus, au lieu d’une année.

 

* Le délai de prescription de l’action en contestation du bien fondé du licenciement est raccourci.

 

A noter en effet que l’ordonnance réduit de deux ans à un an le délai de recours du salarié devant le conseil de prud’hommes pour agir en contestation de son licenciement à compter de sa notification.

 

* L’obligation de motivation de la lettre de licenciement est assouplie.

 

Si la lettre de licenciement doit toujours comporter l’énoncé des motifs invoqués, l’employeur a désormais la possibilité, de sa propre initiative ou à la demande du salarié licencié, d’y apporter des précisions complémentaires après sa notification. Ces précisions, ajoutées à la lettre de licenciement, fixeront les termes du litige.

 

Une nouvelle chance pour l’employeur de démontrer l’existence d’une cause réelle et sérieuse.

 

Aussi, l’insuffisance de motivation de la lettre de licenciement, si le salarié n’a pas fait la demande à son employeur d’en préciser les motifs, n’aura pas pour effet de rendre le licenciement sans cause réelle et sérieuse mais donnera seulement droit à une indemnité qui ne pourra excéder 1 mois de salaire.

 

* La création d’un formulaire type (Cerfa) de rupture du contrat de travail.

 

Ce modèle rappellera les droits et obligations de chaque partie. Tant le licenciement pour motif personnel que le licenciement pour motif économique est concerné.

 

Ces modèles seront prochainement définis par décret en Conseil d’Etat.

 

Ces deux derniers dispositifs devraient réduire le nombre de contentieux prud’homaux.

 

* Un périmètre d’appréciation de la cause économique du licenciement plus restreint.

 

Les difficultés économiques d’une entreprise appartenant à un groupe international sont désormais examinées au niveau des entreprises du groupe auquel elle appartient établies sur le territoire national, indépendamment des autres filiales implantées à l’étranger, et appartenant au même secteur d’activité.

 

Ainsi, une entreprise pourra licencier pour motif économique alors même que le groupe est prospère et ne se trouve pas en danger.

 

En matière de reclassement, le périmètre a également été restreint au seul territoire national : l’article L. 1233-4-1 du code du travail qui posait le principe d’un reclassement à l’international a été abrogé. Les recherches de reclassement pourront se limiter aux emplois disponibles situés sur le territoire national.

 

Précision est faite que le groupe est constitué soit par la société mère située sur le territoire national et les sociétés qu’elle contrôle, soit par l’ensemble des entreprises implantées sur le territoire national.

 

Quant aux offres éventuelles de reclassement, elles doivent désormais être adressées par écrit de manière personnalisée au salarié ou lui être communiquées par tout moyen via une liste des postes disponibles destinée à l’ensemble des salariés. Dans ce dernier cas, il reviendra au salarié d’identifier lui-même les emplois conformes à son niveau de qualification et à ses aptitudes.

 

Une partie de ces mesures s’applique dès maintenant :

 

– Le barème des indemnités prud’homales est applicable aux licenciements notifiés postérieurement au 24 septembre 2017,
– Le nouveau périmètre d’appréciation de la cause économique et de l’obligation de reclassement est applicable aux procédures de licenciement engagées postérieurement au 24 septembre 2017,
– Le nouveau délai de prescription pour agir en contestation du licenciement s’applique aux prescriptions en cours à compter du 24 septembre 2017 sans que la durée totale de la prescription puisse excéder la durée prévue par la loi antérieure.

 

Les autres mesures nécessitent des décrets d’application qui seront publiés d’ici au 31 décembre 2017.