Vers des annonces de réduction de prix libéralisées

Par Fabien Honorat

La directive de 2005 sur les pratiques commerciales déloyales continue son opération de destruction : dernière victime l’arrêté du 31 décembre 2008 sur la publicité des annonces de réduction de prix. Cet arrêté est à présent abrogé et remplacé par celui du 11 mars 2015. Désormais toute annonce de réduction de prix est licite dès lors qu’elle ne constitue pas une pratique commerciale déloyale. Explications…

On n’en finit pas de constater les effets de la transposition de la directive du 11 mai 2005 sur les pratiques commerciales déloyales et son interprétation par la Cour de Justice de l’Union Européenne.

Après avoir été à l’origine de l’abrogation des règlementations sur les loteries promotionnelles, sur les ventes avec prime, sur les ventes liées, c’est au tour des annonces de réduction de prix de subir le tsunami de la déréglementation européenne.

Rappelons que la directive de 2005 s’applique aux «pratiques commerciales des entreprises vis-à-vis des consommateurs» c’est-à-dire, nous explique le texte européen, à toute action, omission, conduite, démarche ou communication commerciale, y compris la publicité et le marketing, de la part d’un professionnel, en relation directe avec la promotion, la vente ou la fourniture d’un produit aux consommateurs.

Rappelons également que la directive fixe 31 pratiques qui sont par nature interdites qu’elles soient dénommées trompeuses ou agressives.

Rappelons enfin qu’en dehors de cette liste, une pratique ne peut être jugée comme étant déloyale et donc illicite que si :

–          Elle est susceptible d’altérer de façon substantielle le comportement économique du consommateur

–          Elle est contraire aux exigences de la diligence professionnelle (principe de bonne foi)

Il en résulte que toute réglementation nationale qui interdirait ou limiterait une pratique commerciale qui n’entrerait pas dans la liste des 31 pratiques de la directive serait en principe illégale au regard du droit communautaire.

Les annonces de réductions de prix faisaient l’objet en France d’une règlementation assez contraignante issue d’un arrêté du 31 décembre 2008 et de sa circulaire d’application du 7 juillet 2009.

Le texte différenciait les publicités réalisées sur les lieux de vente et celles faites hors des lieux de vente en imposant des mentions (dates de l’offre, réduction en valeur absolue ou en pourcentage) et un calcul de la réduction proposée par rapport à un prix de référence.

Ce prix était soit le prix maximum conseillé soit le prix le plus bas pratiqué par le point dans le mois précédent le début de l’offre promotionnelle.

Par ailleurs la circulaire encadrait certaines pratiques comme les annonces variables (jusqu’à X % ou de X à X% de réduction), les réductions sur une partie du stock (articles marqués d’un point rouge ou bleu) ou l’utilisation de la mention « dans la limite des stocks disponibles ».

Aucune des 31 pratiques listées par la directive de 2005 ne traitent des annonces de réduction de prix. Il en résulte par conséquent qu’un droit national ne peut venir les encadrer et que leur légalité ne peut être vérifiée qu’au regard des deux critères évoqués plus haut.

C’est ainsi que la Cour Européenne avait sanctionné en juillet 2014 la règlementation belge sur les annonces de réduction de prix.

Et c’est la raison pour laquelle le gouvernement français a pris un nouvel arrêté le 11 mars 2015 qui abroge purement et simplement l’arrêté du 31 décembre 2008 et prévoit simplement que :

–          Une annonce de réduction de prix n’est licite que si elle respecte les deux critères généraux fixés par la directive de 2005 et repris en droit français à l’article L.120-1 du code de la consommation

–          Dans les points de vente le professionnel doit faire figurer le prix réduit et le prix à partir duquel la réduction de prix est annoncée (prix de référence) lequel est déterminé par l’annonceur seul sous réserve de pouvoir le justifier en cas de contrôle.

Du côté des professionnels on ne peut qu’être sensibles à l’abrogation de ces règles strictes de présentation qui faisaient l’objet de contrôles récurrents de la DGCCRF.

Du côté des consommateurs l’absence de règle légale quant au calcul du prix de référence pourrait laisser craindre quelques abus. L’objectif de l’arrêté de 2008 était bien évidemment d’éviter que des annonceurs n’augmentent leur prix juste avant l’opération promotionnelle pour mettre en avant une réduction qui s’avérait en réalité factice. Il est probable que les tribunaux pourront malgré tout sanctionner ce type de procédés en s’appuyant sur les textes généraux de la publicité mensongère.

Il reste que l’on attend le nom des prochaines victimes de la transposition de la directive de 2005 : quid de la règlementation sur les soldes, de l’interdiction de la revente à perte de l’interdiction de la publicité des offres promotionnelles à la télévision pour le secteur de la distribution …