Locations type Airbnb à Paris – Rappel des règles essentielles et apports du projet de loi Elan

Par Nicolas Sidier et Aurélie Pouliguen-Mandrin

Le Tribunal d’Instance de Paris a rendu le 24 octobre dernier un jugement[1] particulièrement sévère qui invite à rappeler quelques règles relatives aux locations de meublés de courtes durées.

 

Un propriétaire bailleur s’était aperçu que sa locataire sous-louait son appartement via Airbnb et ce sans accord de sa part. La locataire a été condamnée à quitter et restituer l’appartement et à rembourser à son propriétaire, la somme de 46.277 € correspondant aux gains perçus pendant les 767 nuitées qu’elle avait commercialisées de cette façon.

 

Ce type de décision n’est pas nouveau[2] et inscrit la jurisprudence dans le même sillon du contrôle mené par la municipalité contre les locations de meublés touristiques.

 

C’est également dans cette dynamique que la société Airbnb France a récemment été poursuivie par la Ville de Paris qui recherchait sa condamnation sous astreinte à retirer de son site internet, l’ensemble des annonces de locations dépourvues du numéro d’enregistrement obligatoire.

 

Il convient de rappeler quelles obligations sont tenus de respecter les loueurs de meublés de tourisme à Paris :

 

1. Il est possible de louer sa résidence principale dans la stricte limite de 120 jours par an. Si la durée totale des locations consenties était supérieure, le bien immobilier en question ne pourrait plus constituer la résidence principale du loueur, puisqu’une occupation au moins égale à huit mois par an est nécessaire pour qu’une telle qualification soit retenue (12 mois – 8 mois = 120 jours).

 

Au-delà de 120 jours, l’administration considère qu’il ne s’agit plus d’un usage d’habitation mais commercial qui exige d’obtenir une autorisation de changement d’usage avec compensation conformément aux dispositions du Code de la construction et de l’habitation et du règlement municipal de la ville de Paris[3]. La compensation dont l’objectif est la préservation de l’équilibre entre l’habitat et les activités économiques, consiste à transformer des surfaces commerciales en logements, pour compenser la perte de surfaces d’habitation du local transformé. Sans autorisation préalable de changement d’usage, le propriétaire s’expose à une amende de 50.000 € par logement et une astreinte d’un montant maximal de 1 000 € par jour et par m² jusqu’à régularisation.

 

2. En outre, deux formalités doivent alors être effectuées par le loueur

 

– une déclaration sur le site internet de la Ville de Paris[4] qui permet d’obtenir immédiatement un numéro d’enregistrement lequel doit être indiqué sur l’annonce de location,

 

– le règlement de la taxe de séjour.

 

Là encore, des sanctions pénales sont possibles en cas de fausse déclaration, dissimulation ou tentative de dissimulation des locaux soumis à déclaration (article L. 651-3 du Code de la construction et de l’habitation) : emprisonnement d’un an et amende de 80 000 € (avec intervention de la Brigade de répression de la délinquance astucieuse de la Préfecture de Police).

 

3. Enfin, dans l’hypothèse où le loueur est locataire de sa résidence principale et non propriétaire, il doit disposer de l’autorisation expresse de son bailleur si celle-ci ne lui a pas été consentie dans son bail. A défaut, le risque encouru à ce jour au regard de la jurisprudence consiste en la résiliation du bail, la condamnation à verser au bailleur le produit des sous-locations consenties sans son accord et lui régler le cas échéant des dommages et intérêts supplémentaires.

 

La sanction peut paraître injuste car les loyers perçus par le locataire évincé, sont en quelque sorte confisqués au bénéfice du propriétaire, mais cela est conforme aux dispositions du Code civil qui prévoient notamment que les « fruits civils » de la propriété appartiennent au propriétaire. Il serait intéressant de connaitre la position de la Cour de Cassation sur ce point. En attendant, la résiliation du bail apparaît fondée de sorte que les risques que font naître cette situation ne semblent pas en valoir la chandelle.

 

 

C’est dans cette perspective de renforcement du contrôle de ces locations que le projet de loi ELAN clarifie la définition du « meublé de tourisme »[5] et limite expressément la durée de la mise en location de sa résidence principale à 120 jours[6].

 

Ces dispositions qui n’ont pas été sanctionnées par le Conseil constitutionnel dans sa décision de ce 15 novembre, démontrent la volonté claire du législateur d’encadrer les locations meublées de courtes durées qui, dans de nombreuses villes, se sont développées au détriment de l’offre locative « classique », allant jusqu’à transformer certains centres-villes en dortoirs à touristes.

 

 

[1] TI Paris 24.10.2018, n°11-18-211247

 

[2] TI Paris 06.02.2018, n° 11-17-000190 ; CA Paris, Pôle 4 Chambre 4, 05.06.2018, n° 16/10684

 

[3] Art. L.631-7 et suivants du Code de la construction et de l’habitation et Art. 3 du règlement municipal

 

[4] https://teleservices.paris.fr/meubles-tourisme/

 

[5] Art. L.324 1 1, I du code du tourisme : « I. – Pour l’application du présent article, les meublés de tourisme sont des villas, appartements ou studios meublés, à l’usage exclusif du locataire, offerts à la location à une clientèle de passage qui n’y élit pas domicile et qui y effectue un séjour caractérisé par une location à la journée, à la semaine ou au mois. »

 

[6] Art. L.324 1 1, I du code du tourisme : « IV. – Dans les communes ayant mis en œuvre la procédure d’enregistrement de la déclaration préalable mentionnée au III, toute personne qui offre à la location un meublé de tourisme qui est déclaré comme sa résidence principale ne peut le faire au-delà de cent vingt jours au cours d’une même année civile, sauf obligation professionnelle, raison de santé ou cas de force majeure.

La commune peut, jusqu’au 31 décembre de l’année suivant celle au cours de laquelle un meublé de tourisme a été mis en location, demander au loueur de lui transmettre le nombre de jours au cours desquels ce meublé a été loué. Le loueur transmet ces informations dans un délai d’un mois, en rappelant l’adresse du meublé et son numéro de déclaration. »