Les mesures phares de la Loi Avenir professionnel

Par Julie De Oliveira et Ludivine Polesso

Le 5 septembre 2018, la loi n° 2018-771 pour la liberté de choisir son avenir professionnel  dite loi  Avenir professionnel  a été publiée au Journal officiel.

 

Plusieurs décrets seront nécessaires pour une entrée en application effective du texte. Cependant, tous ne devraient pas être pris avant le 31 décembre 2018. En effet, l’entrée en application des dispositions du titre I consacré à la réforme de la formation professionnelle et de l’apprentissage, sera progressive jusqu’au 31 décembre 2021. Par ailleurs, des ordonnances sont aussi attendues.

 

Dans cette attente, il est intéressant de se pencher sur les principales mesures phares de la loi « Avenir professionnel » et d’identifier les principes directeurs retenus par le législateur :

 

Renforcer la formation professionnelle

 

A compter du 1er janvier 2019, le CPF sera alimenté en euros et non plus en heures de formation. Chaque actif disposera sur son CPF de 500 € par an pour se former et de 800 € pour les moins qualifiés (niveau CAP-BEP), soit respectivement 5 000 € et 8 000 € sur dix ans.

 

Les listes de formations éligibles sont supprimées et les certifications enregistrées notamment au Répertoire national des certifications professionnelles (RNCP) pourront être financées grâce à ce compte. Le CPF pourra être mobilisé en vue de se reconvertir dans le cadre d’un projet de transition professionnelle (PTP).

 

Les personnes en situation de handicap ont un abondement de leur CPF.

 

Les personnes à mi-temps bénéficient des mêmes droits à la formation que les salariés à temps plein. Pour ceux qui auront travaillé moins de la moitié de la durée légale ou conventionnelle du travail sur l’ensemble de l’année, l’alimentation du CPF continuera à se faire prorata temporis.

 

L’accès à la formation dans l’entreprise est favorisé. Les actions concourant au développement des compétences telles que les actions de formation, les bilans de compétences, les actions permettant de faire valider les acquis de l’expérience (VAE) ainsi que les actions de formation par apprentissage donneront lieu à des financements.

 

Encourager l’apprentissage

 

La limite d’âge est portée à 29 ans révolus et l’enregistrement des contrats d’apprentissage sera remplacé par une procédure de dépôt en 2020.

 

Le temps de travail maximum des apprentis mineurs est porté de 35 à 40 heures par semaine et de 8 à 10 heures par jour, pour certaines activités. Ces derniers peuvent désormais être licenciés pour faute grave ou inaptitude sans passer par le conseil de prud’hommes.

 

Tout contrat signé entre un jeune et une entreprise aura sa formation en CFA financée.

 

Pour les entreprises de moins de 250 salariés qui forment des jeunes en CAP ou en Bac pro, une aide unique sera attribuée pour plus de lisibilité au 1er janvier 2019.

 

Pour toutes les entreprises, sont prévues la possibilité d’ouvrir un CFA, la mise en place d’un collecteur unique (URSSAF) et la possibilité d’entrer en apprentissage tout au long de l’année avec une durée du travail tenant compte des acquis de l’apprenti.

 

Rendre réelle l’égalité salariale femmes/hommes et lutter contre le harcèlement sexuel

 

Les entreprises d’au moins 50 salariés seront tenues de publier chaque année des indicateurs relatifs à la fois aux écarts de rémunération entre les femmes et les hommes et aux actions mises en œuvre pour les supprimer.

 

L’obligation de suivi des indicateurs d’égalité salariale entre femmes et hommes et la pénalité qui s’y attache s’appliqueront à une date prévue par décret variant en fonction de l’effectif de l’entreprise et entreront en vigueur au plus tard au 1er janvier 2019 dans les entreprises de plus de 250 salariés et au plus tard le 1er janvier 2020 dans celles de 50 à 250 salariés.

 

Les entreprises d’au moins 50 salariés qui n’atteignent pas le niveau de résultat fixé par décret devront mettre en œuvre des mesures correctrices par accord, ou à défaut par décision unilatérale. Elles disposeront d’un délai de trois ans pour se mettre en conformité.

 

À l’expiration de ce délai, si le niveau n’est pas atteint, l’employeur pourra se voir appliquer une pénalité financière. Son montant, fixé par l’administration, pourra atteindre jusqu’à 1 % de la masse salariale au cours de l’année civile précédant l’expiration du délai de trois ans. L’employeur pourra se voir accorder un délai supplémentaire d’un an pour se mettre en conformité, en fonction des efforts constatés dans l’entreprise en matière d’égalité salariale et des motifs de défaillance invoqués.

 

Dès lors que la pénalité liée au respect des indicateurs sera prononcée, l’employeur ne pourra se voir appliquer la pénalité infligée à défaut d’accord ou de plan d’action sur l’égalité professionnelle (1 % de la masse salariale). En revanche, si la première n’est pas prononcée, la seconde pourra être infligée à l’employeur qui ne publie pas ses indicateurs ou ne prend pas de mesures correctives. À la lecture de la loi, il semble que la pénalité s’applique indépendamment de la présence d’un accord ou d’un plan d’action.

 

Tout CSE (peu importe l’effectif de l’entreprise) va devoir également désigner un référent en matière de lutte contre le harcèlement sexuel et les agissements sexistes parmi ses membres pour une durée prenant fin avec celle du mandat des membres des élus.

 

Par ailleurs, à une date fixée par décret et au plus tard le 1er janvier 2019, toute entreprise d’au moins 250 salariés devra désigner un référent RH chargé d’orienter, d’informer et d’accompagner les salariés en matière de lutte contre le harcèlement sexuel et les agissements sexistes.

 

Devront être affichées sur les lieux de travail les possibilités d’actions contentieuses civiles et pénales ouvertes en matière de harcèlement sexuel ainsi que les coordonnées des autorités et services compétents.

 

Réformer l’assurance chômage

 

La Loi « Avenir professionnel » prévoit l’ouverture d’une concertation avec les partenaires sociaux sur l’assurance chômage qui a donné lieu à une série de rencontres bilatérales entre le 29 août et le 4 septembre 2018.

 

Cette concertation devrait aboutir à la remise d’un document de cadrage visant à orienter une probable renégociation de la convention d’assurance chômage qui devrait être finalisée fin septembre. Cette négociation enfermée dans un délai de quatre mois devra définir les modalités d’un système de bonus-malus destiné à lutter contre le recours aux contrats courts.

 

Un nouveau dispositif d’indemnisation des démissionnaires poursuivant un projet de reconversion professionnelle nécessitant le suivi d’une formation ou d’un projet de création ou de reprise d’une reprise est mis en place.

 

Ce nouveau droit est soumis à plusieurs conditions :
– une condition d’activité antérieure spécifique se traduisant par une durée d’affiliation minimale de cinq années continues,
-la poursuite d’un projet de reconversion professionnelle présentant un caractère réel et sérieux, qui serait reconnu, pour le compte de Pôle Emploi, par la commission paritaire instituée au sein du comité régional de l’emploi, de la formation et de l’orientation professionnelle (Crefop).

 

Préalablement à la démission, l’intéressé devra solliciter un accompagnement au titre du conseil en évolution professionnelle (CEP). La mise en œuvre du projet serait contrôlée par Pôle Emploi de façon systématique, au plus tard dans les six mois suivant l’ouverture du droit. Dans le cas où le démissionnaire ne pourrait justifier, sans motif légitime, de la réalité des démarches accomplies en vue de la mise en œuvre du projet, il sera susceptible de faire l’objet d’une radiation dans des conditions déterminées par décret.

 

Une allocation forfaitaire est créée (a priori 800 €/mois sur 6 mois, montant fixé par décret) pour les indépendants en cessation de l’activité dont l’entreprise a fait l’objet d’une liquidation judiciaire ou d’un redressement judiciaire lorsque l’arrêté du plan est subordonné au départ du dirigeant.

 

Favoriser l’emploi des travailleurs handicapés

 

Plusieurs mesures de la loi « Avenir professionnel » visant à favoriser l’emploi des personnes handicapées s’appliqueront en 2020.

 

Le taux obligatoire d’emploi de travailleurs handicapés pourra être révisé tous les 5 ans sans toutefois pouvoir être inférieur au taux actuel de 6%.

 

Le périmètre de l’obligation d’emploi sera désormais apprécié au niveau de l’entreprise.

 

La reconnaissance de la qualité de travail handicapé (RQTH) sera attribuée de manière définitive aux personnes dont le handicap est irréversible.

 

Tout employeur devra déclarer l’effectif total des bénéficiaires de l’obligation d’emploi des travailleurs handicapés (OETH) qu’il emploie même s’il compte moins de 20 salariés et n’est donc pas assujetti à cette obligation.

 

Mieux protéger les entreprises et les salariés contre les fraudes au travail détaché

 

Quel que soit le statut du salarié (résident en France ou travailleur détaché), le salaire net devra être le même y compris les avantages accordés par la branche.

 

Autres mesures diverses

 

La loi « Avenir professionnel » pérennise le CDI intérimaire et sécurise les CDI intérimaires conclus entre le 6 mars 2014 et le 19 août 2015.

 

Conclu pour une durée indéterminée entre une entreprise de travail temporaire et un salarié pour effectuer des missions successives, ce contrat peut comporter des périodes d’intermissions durant lesquelles le salarié perçoit une rémunération mensuelle minimale garantie et au moins égale au Smic.

 

Par ailleurs, il est prévu que les salariés titulaires de contrats uniques d’insertion devront être inclus dans le décompte des effectifs de l’entreprise pour la mise en place des institutions représentatives du personnel. Cette mesure entrera en vigueur au 1er janvier 2019.

 

En outre, la loi « Avenir professionnel » met en place une expérimentation visant à permettre le remplacement de plusieurs salariés absents par un seul salarié en CDD ou en contrat de travail temporaire. Elle sera limitée à certains secteurs d’activité définis par décret et s’effectuera du 1er janvier 2019 au 31 décembre 2020.

 

Enfin, est prévu l’établissement d’une charte par les plateformes de mise en relation par voie électronique définissant les conditions et modalités d’exercice de la responsabilité sociale ainsi que les droits et obligations de l’employeur et des travailleurs avec lesquels ils sont en relation afin de sécuriser leur situation contre le risque de caractérisation d’un lien de subordination juridique.

 

Au vu de ces mesures phares, l’ambition de la loi « Avenir professionnel » est l’émancipation sociale par le travail et la formation. Il reste à savoir si les moyens mis en œuvre offriront aux salariés la protection et la réussite espérées.