Le décret du 22 août 2025, immédiatement applicable, autorise dorénavant l’occultation des adresses personnelles des personnes physiques dirigeantes et des associés indéfiniment responsables de personnes morales figurant au registre du commerce et des sociétés (RCS). Cette réforme, longtemps attendue par les professionnels et les défenseurs de la vie privée, intervient dans un contexte marqué par des atteintes graves à la sécurité des personnes, notamment des cas d’enlèvement ou de tentatives d’enlèvement recensés au début de l’année 2025 dans le secteur de la cryptomonnaie.
Traditionnellement, l’adresse personnelle des dirigeants sociaux devait obligatoirement figurer au RCS, sauf cas exceptionnels de menace grave ou de risque avéré pour la sécurité du dirigeant ou de sa famille. La jurisprudence avait déjà admis, dans des cas limités, la possibilité de substituer l’adresse du siège social à l’adresse personnelle pour des motifs de sécurité démontrés.
Le nouveau décret généralise l’occultation des adresses personnelles pour l’ensemble des personnes physiques dirigeantes et des associés indéfiniment responsables, indépendamment de la justification d’un risque particulier. Cette mesure, conforme au Règlement général sur la protection des données (RGPD), vise à préserver la sécurité et la vie privée tout en continuant d’assurer la transparence du monde des affaires. L’occultation automatique des adresses personnelles répond à l’exigence de minimisation des données et d’adéquation entre la collecte et la finalité poursuivie.
La jurisprudence européenne avait déjà rappelé que l’intérêt général exige la publicité de certaines informations au RCS, mais que cette publicité ne doit pas aller au-delà de ce qui est nécessaire pour atteindre cet objectif. Le décret du 22 août 2025 s’inscrit dans le respect de cet équilibre, en limitant la publicité des données personnelles à ce qui est strictement nécessaire.
Il est à présent possible de demander l’occultation des informations personnelles telle que le domicile personnel des dirigeants ou associés indéfiniment responsables dans (i) les informations figurant au registre du commerce (sur le kbis par exemple), (ii) dans des actes déjà déposés au greffe et (iii) pour les actes à compter du décret.
Lorsque l’information à occulter est incluse dans un acte, il convient de déposer via le guichet unique une version occultée et une version non occultée / confidentielle de l’acte, avec une demande de confidentialité à remplir. L’INPI propose un modèle sur son site.
Désormais, seules des informations limitées concernant les personnes physiques resteront librement accessibles au public via le RCS, telles que leur nom, prénom, mois et année de naissance, commune de résidence (à l’exclusion de l’adresse exacte), conformément à l’article L. 123-52 du Code de commerce.
L’accès intégral aux données personnelles reste possible pour certaines autorités, administrations, professions et organismes dans le cadre de leurs missions, sous réserve des garanties prévues par le décret et le RGPD.
Les personnes concernées peuvent s’opposer à l’utilisation de leurs données à des fins de prospection. Cette opposition, prévue par le RGPD et le Code de commerce, sera portée à la connaissance du public et des administrations
Le décret du 22 août 2025 marque une étape majeure dans la protection de la vie privée des dirigeants et associés de sociétés en France. Il consacre juridiquement la pratique jusqu’alors marginale et réservée à des situations exceptionnelles, en l’étendant à l’ensemble des dirigeants et associés indéfiniment responsables, tout en maintenant la transparence nécessaire à la sécurité juridique des affaires. À l’avenir, toute évolution législative ou jurisprudentielle devra veiller à préserver cet équilibre entre transparence économique et sécurité des personnes concernées.
Ce nouveau dispositif est l’occasion de rappeler l’importance de communiquer au greffe des informations exactes et à jour pour les dirigeants dans la mesure où ces derniers peuvent être destinataires de courrier de la part du greffe du tribunal de commerce, voire de convocations (entretiens de prévention par exemple).
Pour toute information, contactez Nicolas Sidier (sidier@pechenard.com) ou Pierre Détrie (detrie@pechenard.com)