Depuis plusieurs années, et notamment avec la crise sanitaire liée au Covid-19, les risques psychosociaux (RPS) au travail sont en expansion et ont de plus en plus d’impact sur l’organisation du travail au sein des entreprises (arrêt maladie, turnover, inaptitude).
Cela représente également un coût pour l’entreprise qui doit notamment gérer les absences prolongées, adapter les postes de travail et dans les cas les plus importants, traiter les dossiers d’accident du travail et/ou de maladie professionnelle et se défendre face aux demandes de reconnaissance de la faute inexcusable de l’employeur (augmentation du taux de cotisation AT/MP, risque de condamnations de dommages et intérêts, paiement d’une majoration de la rente du salarié etc.).
Il pèse sur l’employeur une obligation générale de sécurité au travail, étendue aux risques psychosociaux, au titre de laquelle il doit :
- Assurer l’évaluation et l’identification des risques,
- Mettre en œuvre de mesures de préventions requises pour la préservation de l santé physique et mentale des travailleurs[1].
Si les entreprises sont de plus en plus familières avec la notion de harcèlement moral et savent désormais qu’il convient de déclencher une enquête interne en cas de signalement et de recourir aux outils de prévention tels que la désignation d’un référent harcèlement, l’organisation de formations ou les rappels de règles/consignes par voie d’affichage, les autres facteurs de RPS tels que le stress au travail qui prend pourtant de l’ampleur actuellement, apparaissent plus difficiles à appréhender.
Il est important de souligner ici que si le stress ne fait pas partie, en tant que tel, des maladies d’origine professionnelle, il peut entrainer la reconnaissance d’une maladie professionnelle lorsqu’il est établi que les affections qui découlent de cet état présentent un lien direct et essentiel avec le travail habituel.
En effet, les RPS et notamment le stress peuvent provoquer une dégradation de la santé physique et mentale des travailleurs[2], et être à l’origine de problèmes de santé, tels que :
- des troubles musculosquelettiques,
- des maladies cardiovasculaires,
- un épisode dépressif, des troubles du sommeil et/ou de l’anxiété, un état de stress post-traumatique),
- l’aggravation ou la rechute de maladies chroniques.
Le sujet des RPS et plus particulièrement du stress au travail ne sont pas nouveaux. A cet égard, l’accord national interprofessionnel (ANI) sur le stress au travail, signé le 2 juillet 2008 et rendu obligatoire par un arrêté ministériel du 23 avril 2009, proposait déjà des indicateurs pour déceler le stress au travail et un cadre pour le prévenir.
L’ANI de 2008 évoque aussi certains facteurs de stress à prendre en compte, comme l’organisation et les processus de travail, les conditions et l’environnement du travail et la communication au sein des équipes. Il rappelle également qu’en cas de détection d’un problème de stress, il appartient à l’employeur de mettre en place des actions pour le prévenir, l’éliminer, ou à tout le moins le réduire.
Ce phénomène s’accélère. En 2023, les maladies psychiques reconnues d’origine professionnelle ont augmenté de plus de 25% et plus de 10 000 accidents du travail déclarés et pris en charge étaient en lien avec des RPS.
Pour aller plus loin, fin septembre 2025, le Ministère du Travail a établi une fiche pratique dédiée à la prévention du stress au travail[3] dans laquelle les principaux facteurs de risques psychosociaux et de travail ont été identifiés :
- la surcharge de travail ou une mauvaise gestion du temps de travail,
- la dégradation des relations de travail (manque de clarté des consignes par exemple),
- une faible cohésion d’équipe,
- l’absence d’autonomie,
- le manque de valorisation et de confiance (contrôle excessif),
- l’insécurité quant à son avenir professionnel.
Au-delà des situations individuelles, le Ministère du Travail privilégie une approche collective d’un environnement de travail susceptible de créer des situations à risques, dès lors que les RPS reflètent souvent des dysfonctionnements organisationnels au sein d’un service ou plus largement de l’entreprise.
Le Ministère du Travail retient ainsi 6 grandes familles de facteurs de RPS susceptibles de générer du stress au travail :
- les exigences du travail, telles que la surcharge ou, au contraire la sous-charge de travail qui revient à vider le poste de sa substance (phénomène de « placardisation »),
- les exigences émotionnelles, notamment pour les salariés directement en relation avec la clientèle qui peuvent être exposés à des situations conflictuelles, voire violentes,
- le manque d’autonomie, qui peut se matérialiser par un contrôle excessif du supérieur hiérarchique ou encore une absence de marge de manœuvre du salarié dans l’exercice de ses missions,
- les rapports sociaux dégradés, tels que les conflits qu’ils soient horizontaux ou verticaux (entre collègues de travail ou entre un salarié et sa hiérarchie), l’isolement d’un salarié au sein d’une équipe ou d’un service, l’absence de soutien de la hiérarchie face à une situation problématique,
- les conflits de valeurs, le salarié peut avoir un sentiment d’incohérence entre le travail demandé et ses valeurs professionnelles,
- l’insécurité socio-économique, qui se traduit notamment par la crainte de perdre de son emploi ou encore le manque de reconnaissance.
Ces facteurs de risques s’expriment notamment dans les domaines suivants et se manifestent dans les situations décrites ci-après :
- l’organisation du travail: lorsque le salarié est amené à dépasser les horaires de travail de manière excessive et répétée, une charge de travail manifestement excessive, l’inadéquation entre les moyens mis à la disposition du salarié et les tâches demandées, si les objectifs fixés sont mal définis ou inatteignables, en cas de mise sous pression,
- les conditions et l’environnement de travail : en cas d’exposition à un environnement agressif, à un comportement abusif ou encore au bruit ou aux températures extrêmes,
- la communication : la mauvaise communication sur les orientations et les objectifs de l’entreprise, comme sur le travail attendu, peut engendrer du stress et une pression accrue,
- les facteurs subjectifs: telles que les pressions émotionnelles et sociales, la perception d’un manque de soutien de la hiérarchie ou de ne pas pouvoir faire face à une situation donnée/à un travail demandé compte tenu des conditions, ou encore des difficultés à gérer l’équilibre entre vie professionnelle et vie personnelle.
Les employeurs doivent faire preuve d’une vigilance permanente afin d’assurer un bien-être au travail aux salariés et être particulièrement attentifs aux signaux permettant d’identifier un ou plusieurs facteurs de RPS, afin de prendre les mesures préventives et correctives permettant d’échapper ou a minima de maitriser le stress au travail.
Le Ministère du Travail identifie 6 axes de prévention à mettre en œuvre dans le cadre de l’évaluation et de la prévention des risques et notamment des RPS
- informer et former les travailleurs,
- réguler la charge de travail,
- garantir un soutien social solide,
- favoriser l’autonomie et la participation du salarié,
- assurer une juste reconnaissance du travail,
- discuter des critères de qualité du travail.
Le Ministère du Travail précise que ces leviers de prévention impliquent plusieurs actions :
- en procédant à l’évaluation approfondie, par métier ou par unité de travail, des six familles de facteurs de RPS précédemment évoqués, et en engageant une réflexion sur la perception de la qualité de vie au travail[4].
Il faut ainsi notamment identifier les RPS dans le document unique d’évaluation des risques professionnels (DUERP), que toute entreprise doit mettre à jour tous les ans.
- puis en agissant sur les dysfonctionnements organisationnels et les relations de travail. Concrètement, à titre d’exemples, l’employeur devra veiller à la cohésion d’équipe, mobiliser les représentants du personnel dans l’identification des RPS, mettre en œuvre le suivi et la régulation de la charge de travail afin de maintenir un équilibre entre la vie professionnelle et la vie personnelle des salariés, veiller à limiter strictement les dépassements importants d’horaires de travail, respecter le droit à la déconnexion etc.
- en veillant aussi aux formes de reconnaissance et de rétribution du travail de manière juste et équitable (financières, statutaires, symboliques…),
- en retenant une organisation du travail qui favorise l’autonomie des salarié et les rapports de confiance avec la hiérarchie, tout en veillant à prévenir les situations d’isolement (favoriser le management horizontal, assurer un contrôle raisonné du travail demandé etc.),
- en développant les dispositifs de soutien aux travailleurs, tel que la mise en place d’un numéro d’écoute ou de cellules d’assistance psychologique, ou encore des formations portant sur la gestion RPS à destination des managers notamment.
L’INRS a également publié en juin 2024 un guide qui recense 9 conseils pour agir au quotidien sur les facteurs de risques psychosociaux, que les entreprises peuvent télécharger sur son site internet[5] :
- évaluer la charge de travail,
- donner de l’autonomie aux salariés,
- soutenir les collaborateurs,
- leur témoigner de la reconnaissance,
- donner du sens au travail,
- agir face aux agressions externes,
- communiquer sur les changements,
- faciliter la conciliation travail et vie privée,
- bannir toute forme de violence.
Prévenir le stress au travail est un enjeu majeur pour la santé des salariés et la performance de l’entreprise. Une véritable culture d’entreprise tournée vers le respect, la bienveillance, la transparence et l’équité doit s’instaurer dans laquelle le rôle du management, à tous les niveaux, est primordial, ce qui nécessite une formation solide et régulière.
Plus que jamais les employeurs doivent se mobiliser sur la prévention des RPS et appliquer ces recommandations précitées, le cas échéant, avec le soutien des médecins du travail, en concertation avec les représentants du personnel. Se faire accompagner par leur conseil habituel ou un cabinet spécialisé sur ces sujets peut aussi être utile et rassurant.
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Le Département Social du cabinet Péchenard & Associés accompagne ses clients sur les problématiques de prévention des risques au travail dont les RPS et les assiste tant en conseil que dans le cadre de contentieux.
[1] Articles L. 4121-1 et L. 4121-2 du Code du travail, notamment
[2] L’INRS a consacré un dossier sur le stress au travail et détaille notamment les effets du stress sur la santé des travailleurs (https://www.inrs.fr/risques/stress/effets-sante.html)
[3] https://travail-emploi.gouv.fr/la-prevention-du-stress-au-travail
[4] Le référentiel « Qualité de vie au travail » réalisé par L’anact (l’agence nationale pour l’amélioration des conditions de travail) donne également des pistes de réflexion et des méthodes pour appréhender les RPS
[5] https://www.inrs.fr/media.html?refINRS=ED%206250
Pour toute information, contactez Julie De Oliveira (deoliveira@pechenard.com)
