Attention à la rédaction de l’avis d’inaptitude !

Par Julie De Oliveira et Faustine Koppel

Lorsqu’un salarié est déclaré inapte par le médecin du travail, l’employeur a, en principe, l’obligation de rechercher pour lui un emploi de reclassement. A défaut, le licenciement pour inaptitude prononcé en violation de l’obligation de reclassement est considéré sans cause réelle et sérieuse.

 

Par exception, l’article L.1226-2-1 du Code du travail prévoit deux cas de dispense de recherche de reclassement.

 

Ainsi, le médecin du travail peut dispenser l’employeur de satisfaire à son obligation de reclassement en indiquant, de façon expresse, dans son avis d’inaptitude que :

 

  • « tout maintien du salarié dans un emploi serait gravement préjudiciable à sa santé »,

 

ou

 

  • « l’état de santé du salarié fait obstacle à tout reclassement dans un emploi ».

 

Ces deux mentions figurent sur le formulaire d’avis d’inaptitude généralement utilisé par les médecins du travail (formulaire diffusé par l’arrêté MTRT1716161A du 16 octobre 2017).

 

Le fait que le médecin du travail coche une des deux cases correspondant aux cas de dispense précités sur ledit formulaire ne laisse pas de place à l’interprétation et la dispense de recherche de reclassement est acquise pour l’employeur.

 

Néanmoins, l’usage de ce formulaire n’étant pas obligatoire, le médecin du travail peut également indiquer un cas de dispense sur papier libre. Il appartient alors à l’employeur d’être particulièrement vigilant sur l’interprétation à donner aux consignes du médecin du travail.

 

Deux arrêts récents (un inédit, l’autre publié au Bulletin) permettent d’illustrer la position stricte de la chambre sociale de la Cour de cassation à ce sujet (Cass. soc. 8 février 2023, n°21-11.356 ; Cass. soc. 13 septembre 2023, n°22-12.970).

 

Dans l’arrêt du 8 février dernier, l’avis d’inaptitude d’une salariée mentionnait :

 

« l’état de santé fait obstacle à tout reclassement dans un emploi dans l’entreprise ».

 

Ainsi, le médecin du travail avait ajouté à la mention figurant à l’article L.1226-2-1 précité, la précision « dans l’entreprise ».

 

L’employeur avait assimilé cette préconisation à la dispense légale et procédé au licenciement pour inaptitude de la salariée sans recherche préalable de reclassement. Par suite, la salariée a contesté son licenciement.

 

Saisie de la question de l’interprétation de cette préconisation, la Cour de cassation a considéré que l’avis du médecin du travail ne valait pas dispense et qu’il appartenait à la société de rechercher un poste de reclassement au sein du groupe :

 

« L’arrêt constate que le médecin du travail a mentionné que l’état de santé de la salariée faisait obstacle à tout reclassement dans cette entreprise et relève l’existence d’un groupe de reclassement constitué du comité social et économique et de la société (…)

La cour d’appel en a exactement déduit, hors dénaturation et sans être tenue de procéder à une recherche que ses constatations rendaient inopérante, que l’employeur n’était pas dispensé de rechercher un reclassement au sein de la société Bio Springer et avait ainsi manqué à son obligation de reclassement. »

 

Dans l’arrêt du 13 septembre dernier, la chambre sociale a, une nouvelle fois, eu à se positionner sur l’interprétation d’un avis d’inaptitude.

 

En l’espèce, un salarié avait été déclaré inapte par le médecin du travail sous la formulation suivante :

 

« tout maintien du salarié dans un emploi dans cette entreprise serait gravement préjudiciable à sa santé ».

 

Le médecin du travail avait ajouté à la formule légale la mention « dans cette entreprise ». Interprétant cette préconisation comme un cas de dispense de reclassement, l’employeur avait procédé au licenciement pour inaptitude du salarié. Ce dernier contestait son licenciement.

 

Confirmant sa position, la chambre sociale a jugé que la rédaction de l’avis d’inaptitude ne dispensait pas la société de procéder à une recherche de reclassement, en l’occurrence dans le groupe auquel elle appartenait :

 

« L’arrêt constate que l’avis d’inaptitude du médecin du travail mentionne que tout maintien du salarié dans un emploi dans cette entreprise serait gravement préjudiciable à sa santé et non pas que tout maintien dans un emploi serait gravement préjudiciable à sa santé.

 

(…) La cour d’appel en a exactement déduit que l’employeur n’était pas dispensé de procéder à des recherches de reclassement et de consulter les délégués du personnel et qu’il avait ainsi manqué à son obligation de reclassement. »

 

En résumé, la Cour de cassation adopte une position stricte et exige, pour qu’une dispense de recherche de reclassement soit caractérisée, que le médecin du travail reprenne les termes exacts de l’article L.1226-2-1 du Code du travail. A défaut, l’employeur n’est pas dispensé et doit procéder aux diligences utiles au titre de son obligation de reclassement.

 

En cas de doute sur la portée de l’avis d’inaptitude, il est vivement conseillé à l’employeur de se rapprocher du médecin du travail pour obtenir des éclaircissements sur sa position quant à une éventuelle dispense avant de lancer toute procédure de licenciement contre le salarié concerné.

 

Cass. soc. 8 février 2023, n°21-11.356

Cass. soc. 13 septembre 2023, n°22-12.970

 

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Le Département Social du cabinet Péchenard & Associés répond à toutes vos questions sur les avis d’inaptitude et les licenciements pour inaptitude, tant au titre de son activité de conseil que dans le cadre d’un litige en cours ou à venir.

 

 

Pour toute information, contactez Julie De Oliveira (deoliveira@pechenard.com).