Le cadre juridique de la rupture d’une période d’essai

Par Julie De Oliveira et Annie Etienne

Dans un arrêt rendu le 27 juin 2018, la chambre sociale de la Cour de cassation a rappelé que la période d’essai, comme son renouvellement, devaient avoir pour objet d’apprécier les compétences professionnelles du salarié et ne devaient pas être détournés de leur finalité, au risque pour l’employeur que le juge analyse la rupture du contrat de travail comme un licenciement sans cause réelle et sérieuse (Cass. soc. 27 juin 2018, n° 16-28.515).

 

Dans cette affaire, la cour d’appel avait considéré que l’employeur renouvelait systématiquement la période d’essai de ses cadres nouvellement embauchés sans qu’il n’y ait de lien avec la qualité professionnelle des salariés concernés. La Cour de cassation a rejeté le pourvoi de l’entreprise pour les motifs précités.

 

Ainsi, le seul accord écrit du salarié sur le renouvellement de sa période d’essai ne suffit pas protéger l’employeur d’un contentieux en cas de rupture à son initiative.

 

Cette décision est l’occasion de revenir sur les règles de rupture de la période d’essai.

 

Conformément à l’article L. 1231-1 du Code du travail, les dispositions relatives à la rupture d’un contrat de travail à durée indéterminée ne sont pas applicables pendant la période d’essai.

 

Ainsi, l’employeur qui décide de mettre fin à la période d’essai n’a pas à indiquer au salarié les motifs de la rupture de son contrat de travail.

 

Néanmoins, la rupture de la période d’essai peut être jugée comme abusive lorsqu’elle est fondée sur un motif non inhérent à la personne du salarié (Par exemple : Cass. soc. 20 novembre 2007, n° 06-41.212).

 

Le salarié qui s’estime victime d’une rupture abusive de sa période d’essai doit rapporter la preuve que l’employeur a commis un abus de droit ou fait preuve d’une légèreté blâmable pour prétendre à des dommages et intérêts dont le montant sera évalué en fonction du préjudice subi.

 

L’employeur n’a pas non plus à respecter la procédure de licenciement, sauf dispositions conventionnelles ou contractuelles contraires, et sauf s’il invoque une faute du salarié pour rompre la période d’essai (Par exemple : Cass. soc. 14 mai 2014, n° 13-13.975).

 

En revanche, il est à noter que l’autorisation de l’inspection du travail demeure requise lorsqu’il s’agit de la rupture de la période d’essai d’un salarié protégé (Par exemple : Cass. soc. 22 septembre 2010, n° 09-40.968).

 

Si la notification de la rupture de la période d’essai n’est soumise à aucun formalisme dans les autres cas, il est néanmoins conseillé de recourir soit à la lettre recommandée avec accusé de réception soit à la lettre remise en main propre contre décharge.

 

En effet, ce formalisme permet, tant à l’employeur qu’au salarié, de démontrer que la rupture est intervenue avant l’expiration de la période d’essai et que les délais de prévenance prévus aux articles L. 1221-25 et L. 1221-26 du code du travail ont bien été respectés.

 

Rappelons à ce titre que le salarié doit prévenir l’employeur de la rupture de la période d’essai dans un délai de 24 heures si la durée de sa présence est inférieure à 8 jours et de 48 heures au-delà de 8 jours.

 

L’employeur doit quant à lui prévenir le salarié dans un délai qui ne peut être inférieur à :

 

– 24 heures en deçà de 8 jours de présence
– 48 heures entre 8 jours et un mois de présence
– 2 semaines après un mois de présence
– Un mois après 3 mois de présence

 

La période d’essai, renouvellement inclus, ne peut être prolongée du fait de la durée du délai de préavis.

 

Il convient donc d’être vigilent car, en cas de non-respect du délai de prévenance, l’employeur doit verser une indemnité compensatrice égale au montant des salaires et avantages que le salarié aurait perçus s’il avait accompli son travail jusqu’à l’expiration de ce délai, indemnité compensatrice de congés payés comprise.

 

Enfin, il convient de rappeler qu’en cas de rupture de la période d’essai avant le terme, le salarié ne peut prétendre à une indemnité de licenciement ou à une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

 

Le salarié victime d’une rupture abusive pourra lui revendiquer l’allocation de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi.

 

La chambre sociale de la Cour de cassation vient par ailleurs de juger que la rupture de la période d’essai fondée sur son état de santé, qui est nulle en ce qu’elle repose sur un motif discriminatoire, ouvre droit au salarié à une indemnisation pour licenciement illicite sans qu’il puisse prétendre à l’indemnité de préavis et aux congés payés y afférents (Cass. soc. 12 septembre 2018, n° 16-26.333).