Cession de créances ; deux réformes pour le prix d’une

Par Nicolas Sidier et Hugo Hayoun

À compter du 1er janvier 2022, les entreprises pourront plus largement mobiliser leurs créances et leurs actifs. À cette date, plusieurs innovations résultant de l’ordonnance du 15 septembre 2021 portant réforme du droit des sûretés entreront en effet en vigueur. L’objectif du Gouvernement est de simplifier le recours aux cessions de créances, lesquelles constituent un important moyen de financement des entreprises. Le Gouvernement a notamment travaillé sur 1° la cession de créances futures, 2° la cession de créances à titre de garantie, et 3° la cession de sommes d’argent à titre de garantie.

 

Le même jour, le Gouvernement a adopté une autre ordonnance importante pour les entreprises puisqu’elle réforme le droit des procédures collectives. En cas de cession portant sur un droit litigieux, elle donne la possibilité au débiteur cédé, en sauvegarde ou en redressement judiciaire, de diminuer son passif en remboursant au cessionnaire le prix de la cession (4°).

 

  • 1° La cession de créances futures

 

À l’occasion de la réforme du droit des contrats, avait été adopté l’article 1323 du code civil selon lequel entre les parties, le transfert d’une créance cédée prend effet et est opposable dès la date de l’acte. Par exception, cette disposition prévoyait que le transfert d’une créance future n’avait lieu qu’au jour de sa naissance, tant entre les parties que vis-à-vis des tiers. Deux régimes cohabitaient donc selon que la créance cédée était présente ou future.

 

Dans un souci d’harmonisation et de simplification du droit, le pouvoir réglementaire a aligné le droit commun de la cession de créances sur les dispositions de l’article 2361 du code civil (relatives au nantissement de créances), ainsi que sur celles relatives à la cession de créances professionnelles ou « cession Dailly » (article L. 313-27 du code monétaire et financier). À compter du 1er janvier 2022, la cession d’une créance future prendra donc effet et sera opposable dès la date de l’acte (nouvel article 1323 du code civil).

 

Cette modification est bienvenue puisqu’elle donne aux entreprises la possibilité de mobiliser de manière effective leurs créances, avant même leur naissance, à la seule condition qu’elles soient d’ores et déjà déterminées ou déterminables.

 

  • 2° La cession de créances à titre de garantie

 

Introduite en droit français par la Loi n° 81-1 du 2 janvier 1981 facilitant le crédit aux entreprises, la cession Dailly, régie par les articles L. 313-23 à L. 313-29-2 du code monétaire et financier, permet déjà à tout professionnel de céder à un établissement bancaire (ou assimilé) la propriété de créances professionnelles à titre de garantie.

 

Le 1er janvier 2022, ce mécanisme restreint aux débiteurs professionnels et aux établissements bancaires se généralisera – et ce, dans un souci d’attractivité du droit français : le Gouvernement souhaite que cette sûreté puisse être utilisée plus largement, par de nouveaux acteurs économiques, français ou étrangers. Ainsi, en application de l’article 2373 du code civil, toute créance, professionnelle ou non, pourra être cédée à titre de garantie à tout bénéficiaire, personne physique ou morale. Cette cession sera alors soumise au droit commun de la cession de créances (articles 1321 à 1326 du code civil).

 

  • 3° La cession de sommes d’argent à titre de garantie

 

En dernier lieu, le Gouvernement a consacré la pratique du « gage-espèces », précisant dans son Rapport au Président de la République que le gage-espèces est « massivement utilisé en pratique » mais que faute de régime légal, « une incertitude préjudiciable aux opérations économiques existe toujours quant à sa validité et à son efficacité ».

 

L’ordonnance y a donc remédié en définissant le gage-espèces et en fixant son régime aux articles 2374 à 2374-6 du code civil. On ne peut qu’approuver : l’inscription dans la loi de cette pratique constitue un gage de sécurité juridique pour les entreprises.

 

À compter du 1er janvier 2022, il sera donc loisible à toute entreprise de céder à son créancier la propriété d’une somme d’argent à titre de garantie. À peine de nullité, cette cession devra être constatée par écrit (l’écrit permet d’appliquer pleinement le principe de spécialité).

 

  • 4° Le retrait litigieux

 

En cas de cession d’un droit litigieux (par exemple, une créance discutée en justice), les articles 1699 et 1700 du code civil permettent au débiteur cédé de rembourser au cessionnaire le prix de la cession et ainsi d’éteindre la créance. En exerçant ce retrait litigieux, le débiteur règle sa situation tant financièrement que juridiquement.

 

Jusqu’alors, contrainte par le principe d’interdiction des paiements des créances antérieures à l’ouverture de la procédure collective, la jurisprudence refusait purement et simplement qu’un débiteur soumis à une procédure collective exerce ce retrait litigieux (Com., 12 octobre 2004, n° de pourvoi : 03-11.615, publié au Bulletin).

 

L’article L. 622-7 du code de commerce prévoit désormais que : « Après avoir recueilli les observations du ministère public, le juge-commissaire peut autoriser le débiteur à exercer le droit prévu à l’article 1699 du code civil ».

 

En cas de sauvegarde ou de redressement judiciaire (article L.631-14 du code de commerce), le juge-commissaire et le ministère public ont désormais le pouvoir d’apprécier l’opportunité d’un retrait litigieux : si ce retrait permet au débiteur en sauvegarde ou en redressement judiciaire de diminuer sa dette de manière conséquente, alors il doit pouvoir être autorisé. Cette solution est bien évidemment favorable au débiteur en procédure collective, mais également à ses créanciers.

 

 

  • Ordonnance n° 2021-1192 du 15 septembre 2021 portant réforme du droit des sûretés.
  • Ordonnance n° 2021-1193 du 15 septembre 2021 portant modification du livre VI du code de commerce.

 

 

Pour toute information, contactez Nicolas Sidier (sidier@pechenard.com).