CSE : risques et sanctions à défaut de mise en place au 1er janvier 2020

Par Julie De Oliveira et Azeline Hubert

Les entreprises ayant atteint plus de 11 salariés sur une période de 12 mois consécutifs ont l’obligation de mettre en place le comité social et économique (CSE) au 1er janvier 2020.

 

Cette nouvelle instance se substitue aux anciennes institutions représentatives du personnel, lesquelles disparaîtront automatiquement du paysage de l’entreprise à cette date. Les mandats des DP, membres du CE et du CHSCT tomberont nécessairement au plus tard au 31 décembre 2019.

 

Quels sont les risques encourus par l’employeur récalcitrant à sa mise en place, celui qui est simplement en retard dans l’organisation des élections professionnelles ou celui qui doit gérer l’annulation des élections suite à une contestation en justice ? Quelles sont les conséquences concrètes de l’absence de CSE au 1er janvier 2020 ?

 

  1. Les sanctions encourues

Le délit d’entrave

 

Le premier des risques encourus par l’employeur qui ne met pas en place le CSE est celui du délit d’entrave, puni d’un an d’emprisonnement et d’une amende de 7.500 € pour les personnes physiques et d’une amende de 37.500 € pour les personnes morales (C. trav., art. L 2317-1).

 

Le délit d’entrave peut en effet résider dans des manœuvres positives de l’employeur destinées à empêcher ou retarder la mise en place de l’institution représentative du personnel, ou bien encore dans son inertie.

 

Il en a été jugé ainsi lorsqu’un employeur n’a pas pris l’initiative d’organiser les élections professionnelles, a refusé ou a tardé à les organiser (Cass. crim. 20 octobre 1970, n°70-90.221 ; Cass. crim. 15 mai 2007, n°06-86.896 ; Cass. crim. 4 juin 2019, n°18-82.504).

 

Dès lors, en cas d’absence volontaire de mise en place du CSE, l’employeur peut voir sa responsabilité pénale engagée.

 

On peut penser que ni les salariés, ni les élus, ni les organisations syndicales, ni l’inspection du travail ne se prévaudront d’un délit d’entrave si le processus électoral a été engagé par l’employeur avant le 1er janvier 2020 (même si les dernières opérations interviennent en 2020).

 

Des dommages et intérêts en réparation du préjudice lié à la privation de représentation du personnel

 

L’employeur qui n’accomplit pas les diligences nécessaires à la mise en place d’institutions représentatives du personnel, sans qu’un procès-verbal de carence ne soit établi, commet une faute qui cause nécessairement un préjudice aux salariés, privés ainsi d’une possibilité de représentation et de défense de leurs intérêts (Cass. soc. 17 mai 2011, n°10-12852).

 

Un salarié peut donc légitimement alléguer devant le conseil de prud’hommes un préjudice qu’il entendra faire réparer par l’employeur en cas d’absence de mise en place du CSE dans l’entreprise. L’évaluation du préjudice subi et donc des dommages et intérêts alloués dépendra des circonstances de fait (dont les démarches entreprises par la Direction et par le salarié, les problématiques collectives en jeu, etc.).

 

De même, une organisation syndicale pourrait revendiquer l’allocation de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi du fait de l’absence de représentation du personnel si elle a sollicité la mise en place du CSE en vain (Cass. soc. 7 mai 2002, n°00-60.282).

 

     2. Les conséquences indirectes de l’absence de mise en place du CSE

 

La vacance d’une telle institution impliquera de facto l’irrégularité ou l’impossibilité de mener à bien les procédures impliquant l’information-consultation préalable et obligatoire des représentants du personnel.

 

Il en sera notamment ainsi :

 

  • En cas de procédure de licenciement pour inaptitude et impossibilité de reclassement,
  • En cas de procédure de licenciement collectif pour motif économique (C. trav. art. L. 1233-8),
  • Si la tenue d’une commission disciplinaire composée de représentants du personnel est exigée dans le cadre d’une procédure de licenciement (Cass. soc. 4 octobre 2005, n°03-45.983),
  • En cas de volonté de dénoncer un usage ou un engagement unilatéral (Cass. soc. 16 novembre 2005, n°04-40.339),
  • Pour la mise en place ou actualisation d’un règlement intérieur, inopposabilité en l’absence d’avis préalable des représentants du personnel (Cass. soc. 4 juin 1969, n°68-40.377 ; Cass. soc. 9 mai 2012, n°11-13.687),
  • Pour la signature d’un accord d’intéressement (C. trav. L. 3312-2).

 

Autrement dit, toutes les procédures requérant l’information-consultation du CSE sont directement menacées par l’extinction automatique des anciennes institutions représentatives du personnel et par l’absence de mise en place CSE au 1er janvier 2020.

 

Sans oublier qu’il devient impossible de négocier et conclure un accord collectif.

 

Ainsi, au-delà des sanctions encourues par l’employeur, l’absence de CSE affecte nécessairement le dialogue social au sein de l’entreprise.

 

Il est donc préférable qu’une telle situation ne perdure pas et que les diligences utiles soient lancées sans délai par l’employeur, en concertation avec les organisations syndicales, pour que les élections professionnelles se tiennent au plus vite.