Le débat sur la conformité du barème Macron aux textes internationaux arrive devant les cours d’appel

Par Julie De Oliveira et Olivier Laratte

Le barème de l’article L.1235-3 du Code du travail qui a fait l’objet d’un intense débat et de décisions contradictoires devant les conseils de prud’hommes dans toute la France, arrive devant les cours d’appel.

 

Ce barème qui prévoit l’encadrement de l’indemnité pour un licenciement sans cause réelle et sérieuse (avec un montant plancher et un plafond), a été écarté successivement par les conseils de prud’hommes de Troyes, d’Amiens, d’Angers, de Grenoble, de Lyon, et plus récemment ceux d’Agen et de Paris [1].

 

A l’inverse, les conseils de prud’hommes du Mans et de Grenoble [2] ont retenu la conformité du barème à l’article 24 de la Charte Sociale Européenne et à la convention n°158 de l’Organisation internationale du travail (OIT) invoqués par les salariés.

 

Le ministère de la Justice et la Garde des Sceaux, qui portent une attention toute particulière à ce débat, ont réagi à ces jugements par l’intermédiaire d’une circulaire, le 26 février 2019 [3], adressée pour attribution aux procureurs généraux près les cours d’appel et pour information aux présidents des cours d’appel et des tribunaux de grande instance.

 

Le ministère de la Justice demande aux procureurs de l’informer « des décisions rendues dans [leur] ressort ayant écarté le moyen d’inconventionnalité des dispositions indemnitaires fixées par l’article L. 1235-3 précité ainsi que des décisions ayant, au contraire, retenu cette inconventionnalité ».

 

La circulaire précise également que les décisions faisant l’objet d’un appel doivent elles aussi être communiquées afin que les procureurs puissent « intervenir en qualité de partie jointe pour faire connaître l’avis du parquet général sur cette question d’application de la loi en application de l’article 426 du code de procédure civile » et tenir informé le ministère.

 

Cette circulaire intervient alors que les premières décisions de conseil de prud’hommes qui ont retenu l’inconventionnalité du barème d’indemnisation et qui ont fait l’objet d’un appel, se présentent devant les cours d’appel de Paris et de Reims.

 

Dans la première affaire, la chambre sociale de la cour d’appel de Paris a entendu le 14 mars 2019, les plaidoiries de deux avocates lui demandant d’écarter l’application du plafond indemnitaire en raison de son inconventionnalité et a sollicité l’avis du parquet général sur cette question.

 

Le 23 mai 2019, une nouvelle audience devrait donc se tenir devant la cour, en présence de l’avocat général.

 

La deuxième affaire est jugée devant la cour d’appel de Reims qui devrait se prononcer en juin 2019 à la suite de l’appel formé contre les cinq jugements rendus par le conseil de prud’hommes de Troyes le 13 décembre 2018.

 

Ces décisions ont été les premières à retenir l’inconventionnalité du barème d’indemnisation en reconnaissant l’effet direct de l’article 10 de la Convention n°158 de l’OIT et celui de l’article 24 de la Charte Sociale européenne.

 

La Cour de cassation si elle était saisie d’un pourvoi sur les arrêts à intervenir, devrait se prononcer sur le sujet fin 2019, début 2020.

 

La Haute Juridiction pourrait être sollicitée par un conseil de prud’hommes ou par une cour d’appel pour rendre un avis. Mais par le passé elle a déjà refusé à plusieurs reprises de se prononcer sur des questions de conformité d’une disposition aux textes internationaux dans le cadre d’une procédure d’avis [4].

 

Enfin, le Comité européen des Droits Sociaux, en charge de l’interprétation de la Charte Sociale Européenne, a été saisi par les syndicats Confédération Générale du Travail et Force Ouvrière, respectivement les 24 septembre 2018 et 26 mars 2019, sur la compatibilité du barème de l’article L. 1235-3 du Code du travail avec l’article 24 de la Charte.

 

Les décisions rendues par le Comité auront sans nul doute leur importance dans le débat car même si elles ne seront pas exécutoires dans l’ordre juridique interne, elles s’imposeront aux Etats concernés.

 

 

[1] CPH de Troyes, 13 décembre 2018, RG n° 18/00036 ; CPH d’Amiens, 19 décembre 2018 et 24 janvier 2019, RG n° 18/00040 et RG n°18/00093 ; CPH de Lyon, 21 décembre 2018, RG n° 18/01238 ; CPH de Lyon, 22 janvier 2019, n° 18/00458 ; CPH d’Agen, 5 février 2019, RG n° 18/00049; CPH de Paris, 1er mars 2019, RG n° 18/00964.

 

[2] CPH Le Mans, 26 septembre 2018,  RG n°17/00538 ; CPH de Grenoble, 4 février 2019, RG n°18/01050.

 

[3] Cir.min.Justice C3/201910006358 du 26 février 2019

 

[4] Cass., avis, 12 juillet 2017, n°17-70.009