Droit à la preuve : des éléments extraits d’un compte privé Facebook peuvent justifier le licenciement d’un salarié

Par Julie De Oliveira et Agathe Klein

Dans un arrêt du 30 septembre 2020 estampillé « PBRI » et destiné à la plus large diffusion, pour la première fois, la Cour de cassation admet la possibilité pour un employeur de se prévaloir d’informations extraites d’un compte privé Facebook au soutien du licenciement d’une salariée.

 

La chambre sociale apporte ainsi de précieux éclairages sur la production en justice, par un employeur, de tels éléments.

 

  • D’une part, concernant la loyauté dans l’administration de la preuve :

 

En matière prud’homale, la preuve est libre. Mais en vertu du principe de loyauté dans l’administration de la preuve, l’employeur ne peut pas avoir recours à un stratagème pour recueillir une preuve.

 

Ainsi, la faute d’un salarié qui serait révélée par le biais d’un stratagème ne pourrait donner lieu à aucune sanction et les éléments recueillis ne pourraient pas être acceptés comme preuve.

 

Dans cette affaire, une salariée avait été engagée en qualité de chef de projet export par un groupe textile. Elle avait été licenciée pour faute grave, notamment pour avoir manqué à son obligation contractuelle de confidentialité en publiant sur son compte Facebook une photographie d’une nouvelle collection de mode présentée exclusivement aux commerciaux de la société.

Des captures d’écran de la publication Facebook avaient été alors spontanément communiquées à l’employeur par un courriel d’une autre salariée de l’entreprise appartenant au réseau Facebook de la salariée licenciée.

 

La Haute juridiction a considéré, en l’absence de stratagème mis en œuvre par l’employeur, que ce dernier pouvait, en vertu du principe de loyauté dans l’administration de la preuve, se prévaloir de ce procédé loyal d’obtention de la preuve dès lors que l’entreprise avait été informée de cette diffusion par un des « amis » de la salariée travaillant au sein de la société qui s’étonnait de cette publication.

 

  • D’autre part, concernant la production d’un élément portant atteinte à la vie privée du salarié :

 

En l’espèce, la Cour de cassation précise que la production en justice par l’employeur d’une photographie extraite du compte privé Facebook d’une salariée (outre des éléments d’identification d’« amis » professionnels de la mode), auquel il n’est pas autorisé à accéder, constitue une atteinte à la vie privée de l’intéressée.

 

Néanmoins, la chambre sociale poursuit en affirmant que conformément aux articles 6 et 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l’Homme et des libertés fondamentales, 9 du Code civil et 9 du Code de procédure civile, le droit à la preuve peut justifier la production d’éléments portant atteinte à la vie privée à condition que cette production soit indispensable à l’exercice de ce droit et que l’atteinte soit proportionnée au but poursuivi.

 

Elle en déduit que la production de ces captures d’écran en justice par l’employeur était :

 

  • indispensable à l’exercice de son droit à la preuve puisqu’il ne disposait que de ces éléments pour démontrer la divulgation par la salariée d’une information confidentielle de l’entreprise auprès de professionnels et potentiels concurrents,

 

  • proportionnée au but poursuivi, à savoir la défense de l’intérêt légitime de l’employeur à la confidentialité de ses affaires.

 

Cet arrêt témoigne du fait que la preuve tirée d’un compte Facebook personnel et privé n’est pas, en soi, irrecevable. Le droit à la preuve peut justifier une atteinte à la vie privée du salarié, sous réserve que la production de l’élément en question soit indispensable et que l’atteinte soit proportionnée au but recherché.

 

 

Arrêt du 30 septembre 2020, n°19-12.058 – FSPBRI

 

Pour toute information, contactez Julie De Oliveira (deoliveira@pechenard.com)