Eligibilité à la mesure de report des loyers – Récapitulatif après la parution de la loi, de l’ordonnance et des décrets

Par Aurélie Pouliguen-Mandrin et Alice Angelot

L’article 11 g) de la loi n°2020-290 du 23 mars 2020 d’urgence pour faire face à l’épidémie du covid-19 a habilité le gouvernement à prendre toute mesure pour permettre la suspension des loyers des microentreprises.

 

L’ordonnance n°2020-316 du 25 mars 2020 a encadré le champ d’application de la mesure et prévu que les entreprises éligibles au fonds de solidarité et celles soumises à une procédure de sauvegarde, de redressement ou d’une liquidation judiciaire pourraient bénéficier de la suspension des loyers de leurs locaux professionnels et commerciaux sur la période du 12 mars au 25 juillet 2020.

 

Les conditions d’éligibilité au fonds de solidarité ont été déterminées par décret n°2020-371 du 30 mars 2020.

 

Puis, le décret n°2020-378 du 31 mars 2020 est venu modifier le champ d’application de la mesure en indiquant que les bénéficiaires étaient des personnes physiques ou morales ayant une activité économique éligible à certains critères fixés par le décret n°2020-371 du 30 mars 2020, celle-ci devant avoir été affectée par l’épidémie du covid-19.

 

Enfin, le décret n°2020-394 du 2 avril 2020 est venu modifier encore une fois le décret n°2020-371 du 30 mars 2020 en abaissant le seuil de perte de chiffre d’affaires de 70% à 50%.

 

• Champ d’application de la mesure

 

En résumé, qui est bien fondé à revendiquer auprès de son bailleur un report de ses loyers ?
Il s’agit des personnes physiques ou morales qui remplissent les conditions suivantes :

 

– Disposer des locaux commerciaux ou professionnels,

 

– Etre dans une des deux catégories suivantes :

 

• être en sauvegarde, en redressement ou en liquidation judiciaire,

 

• être une personne physique ou morale exerçant une activité économique répondant aux critères des entreprises éligibles au fonds de solidarité à l’exception du critère relatif à la cessation des paiements :

 

o avoir débuté son activité avant le 1er février 2020 ;
o avoir un chiffre d’affaire constaté lors du dernier exercice clos inférieur à un million d’euros ;
o avoir un effectif inférieur ou égal à dix salariés ;
o avoir un bénéfice imposable augmenté le cas échéant des sommes versées au dirigeant, au titre de l’activité exercée, qui n’excède pas 60 000 euros au titre du dernier exercice clos ;
o le dirigeant majoritaire n’est pas titulaire, au 1er mars 2020, d’un contrat de travail à temps complet ou d’une pension de vieillesse et n’a pas bénéficié, au cours de la période comprise entre le 1er et le 31 mars 2020, d’indemnités journalières de sécurité sociale d’un montant supérieur à 800 euros ;
o ne pas être contrôlée par une société commerciale au sens de l’article L. 233-3 du code de commerce.

 

– Un critère cumulatif lié à la crise :

 

o avoir fait l’objet de l’interdiction d’accueil du public intervenue entre le 1er et le 31 mars 2020 par l’arrêté du 14 mars 2020 et ses diverses modifications ;
o avoir subi une perte de chiffre d’affaire de 50% au mois de mars 2020 par rapport à mars 2019.

 

Mise en oeuvre de la mesure

 

Si la loi d’urgence avait habilité le gouvernement à prendre toute mesure pour permettre le report des loyers, il ressort de l’ordonnance et des décrets que la mesure consiste en réalité en une suspension des sanctions liées à l’inexécution de l’obligation de paiement des loyers des échéances du 12 mars au 25 juillet 2020.

 

En d’autres termes, le bailleur ne pourra mettre en oeuvre aucune des sanctions suivantes avant le 25 juillet 2020 : pénalités financières ou intérêts de retard, de dommages-intérêts, d’astreinte, d’exécution de clause résolutoire, de clause pénale ou de toute clause prévoyant une déchéance, ou d’activation des garanties ou cautions.

 

Le décret n°2020-378 du 31 mars 2020 précise que l’entreprise qui souhaite bénéficier de la mesure de report doit produire une déclaration sur l’honneur attestant du respect des conditions à remplir et de l’exactitude des informations déclarées. Elle doit également présenter le récépissé de sa demande d’éligibilité au fonds de solidarité ou lorsque l’entreprise en question a déposé une déclaration de cessation de paiements ou se trouve en difficulté, la copie de sa déclaration de cessation des paiements ou du jugement d’ouverture d’une procédure collective.

 

Le décret ne précise toutefois pas à qui le preneur doit fournir ces justificatifs, même si l’on comprend qu’il s’agit du bailleur. Le gouvernement a donc voulu simplifier la mise en oeuvre de cette mesure de report mais la production d’une attestation d’une entité extérieure au locataire concerné aurait pu être exigée.

 

Il faut en déduire que les locataires qui souhaitent reporter le paiement des loyers doivent remplir une condition supplémentaire constituée du dépôt d’une demande d’éligibilité au fonds de solidarité.