Le panorama annuel d’Eric Andrieu, Un an de droit de la publicité – Mai 2024 / Mai 2025, a été publié dans Légipresse

De la jurisprudence rendue cette année dans le domaine du droit de la publicité, on retiendra en particulier plusieurs décisions de la cour d’appel donnant des définitions de principe de la concurrence déloyale et du parasitisme.
Jeux olympiques obligent, certaines décisions ont été prononcées à la suite de références faites à cette manifestation par certains annonceurs.

 

Télécharger l’article publié dans Légipresse

Fortes chaleurs : Apports du nouveau décret du 27 mai 2025 et rappel des obligations de prévention de l’employeur

 

Alors que les vagues de chaleur se multiplient sous l’effet du dérèglement climatique, la question de la protection des salariés exposés à de fortes températures devient un enjeu de santé et de sécurité au travail. Toutefois, selon une étude d’Eurogip publiée en juin 2023, « le travail sous fortes températures est rarement règlementé du plan des États, tant européens que dans le monde »[1].

 

Pour pallier ce problème, le décret n°2025-482 du 27 mai 2025 relatif à la protection des travailleurs contre les risques liés à la chaleur[2] introduit un cadre juridique inédit, imposant de nouvelles obligations aux employeurs en cas de chaleurs intenses. Ce texte est crucial : il ne s’agit plus seulement de réagir, mais bien d’anticiper les risques pour préserver la santé des travailleurs.

 

En effet, les fortes chaleurs peuvent engendrer fièvres et migraines, crampes, déshydratation, coups de chaleur et plus généralement une dégradation des conditions de travail des salariés.

 

L’épisode de chaleur intense, déclenchant l’obligation d’action pour l’employeur est défini par un dispositif élaboré par Météo-France, conformément aux conditions fixées par arrêté ministériel (art R. 4463-1 C. trav.). L’arrêté du 27 mai 2025[3] précise les seuils à partir desquels des mesures doivent être mises en œuvre :

 

 

Seuils de vigilance définis par arrêté du 27 mai 2025[4]

 

Ces nouvelles dispositions trouvant à s’appliquer dès le 1er juillet 2025, il est nécessaire de faire le point sur les nouvelles obligations qui en découlent pour les employeurs (I), sans pour autant omettre les autres obligations estivales des employeurs notamment en cas de prêt de main d’œuvre et d’embauche de jeunes travailleurs (II).

 

I.  Des obligations de prévention et d’adaptation de l’employeur renforcées et détaillées en cas de forte chaleur

 

    A. Un cadre juridique nécessaire, face à une urgence sanitaire récurrente

 

L’encadrement légal des épisodes de fortes chaleurs était attendu et nécessaire face à un vide juridique partiellement comblé par les obligations générales de prévention de l’employeur issues du code du travail.

 

  1. Avant le décret du 27 mai 2025 : un socle juridique existant mais incomplet

 

Avant l’entrée en vigueur dudit décret, les obligations de l’employeur en matière de prévention des risques liés aux fortes chaleurs reposaient principalement sur le droit commun de la santé et de la sécurité au travail.

 

Pour rappel, le Code du travail prévoit que l’employeur est tenu d’une obligation de résultat en ce qui concerne la sécurité de ses salariés (art L. 4121-1 et suivants du Code du travail).

 

À ce titre, il doit prendre toutes les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs.

 

La jurisprudence précisait déjà que les mesures devaient être effectives et concrètes et qu’il ne suffisait pas pour l’employeur de se dire vigilant ou soucieux du bien-être de ses salariés, mais qu’il lui appartenait d’agir sans délai face aux risques identifiés, comme l’exposition à la chaleur (Cass. 2e civ., 28 novembre 2019, n°18-24.090).

 

Dans cet arrêt, la Cour de cassation validait la condamnation d’un employeur, à qui il était reproché de n’avoir pas assuré une ventilation adéquate dans des bureaux exposés à une chaleur constante, malgré les plaintes d’une salariée ayant fait un malaise.

 

La Cour de cassation sanctionnait donc déjà l’inaction de l’employeur face à un risque identifié, même en l’absence de texte règlementaire spécifique.

 

De plus, la norme NF X35-203/ ISO 7730 relative au confort thermique recommandait déjà des températures optimales dans les lieux de travail :

  • 20 à 22°C dans les bureaux (travail sédentaire) ;
  • 16 à 18°C dans les ateliers (activité physique moyenne) ;
  • 14 à 16°C pour les activités physiques soutenues.

 

Malgré ces repères, aucune mesure impérative n’était jusqu’alors imposée en cas de vague de chaleur.

 

  1. Après le décret du 27 mai 2025 : un encadrement renforcé et opérationnel

 

Le décret du 27 mai 2025, marque une rupture en introduisant un cadre juridique rigoureux et contraignant, applicable dès le 1er juillet 2025. Il consacre les vagues de chaleur comme un risque professionnel à part entière, nécessitant des mesures spécifiques de prévention et d’adaptation.

 

Désormais, les obligations des employeurs sont clairement définies et hiérarchisées en fonction d’un dispositif d’alerte mis en place par Météo-France, tel que précisé par l’arrêté du même jour.

 

Concrètement, les employeurs, quels que soient leurs secteurs d’activités ou les conditions de travail (en intérieur comme en extérieur), disposent d’un délai d’un mois à partir du 1er juin 2025 pour se mettre en conformité. Les principales obligations issues du décret sont les suivantes :

 

  • Adaptation des procédés de travail: il est question, par exemple, de repenser les tournées estivales des salariés à vélo ou à pied en modifiant leurs horaires, ou en leur proposant des véhicules climatisés.

 

  • Réorganisation des horaires ou des postes de travail: il peut être pertinent de faire démarrer les équipes plus tôt dans la journée, ou de mettre en place une rotation des postes exposés, le but étant de limiter le temps de travail aux heures les plus chaudes.

 

  • Fourniture d’équipements de protection Individuelle (EPI) adaptés à la chaleur: il peut s’agir de fournir des calottes rafraîchissantes, des vêtements techniques respirants, ou encore des vêtements avec protection UV. Cette remise doit être formalisée et le récépissé signé est à conserver dans le dossier administratif de chaque salarié.

 

  • Mise à disposition d’équipements de travail favorisant la régulation thermique et la protection à l’exposition solaire: l’employeur doit prévenir et traiter les pics de chaleur, équiper les locaux et les salariés qui travaillent en extérieur de trousses de secours adaptées aux épisodes de canicule et comprenant : couverture de survie, sachets de sels de réhydratation orale, crème solaire…

 

  • Information et formation des salariés: il est essentiel de sensibiliser les équipes aux bons réflexes à adopter en période de fortes chaleurs (il peut être opportun de sensibiliser les salariés via des affichages, l’organisation de quarts d’heure sécurité spécifiques dédiés aux bons réflexes à adopter pour lutter contre la chaleur, des circulaires internes, etc.). Il faut également sensibiliser les salariés à l’utilisation des EPI adaptés à la chaleur ainsi qu’aux procédures à suivre en cas de difficulté.

 

  • Aménagement des locaux de travail pour maintenir une température compatible avec l’activité ( R. 4223-13 C. trav), en réduisant l’accumulation de chaleur ou le rayonnement solaire : il est possible de faire usage de pare-soleil dans les véhicules, stores occultants, isolation, ventilation, brumisateurs, climatisation…

 

  • Mise à disposition d’eau potable fraiche pour se désaltérer régulièrement et gratuitement et se rafraichir le corps (art R. 4463-4 C. trav.).

 

En l’absence d’eau courante, l’employeur est tenu de fournir au moins 3 litres d’eau par jour et par salariés (C. trav. Art R 4534-143) avec un système permettant de maintenir cette eau fraiche à proximité des postes de travail.

 

L’employeur est tenu d’installer des fontaines à eau dans les locaux, si locaux il y a. Toutefois si le chantier est extérieur, il convient d’équiper les salariés de gourdes isothermes ou des glacières contenant des blocs rafraîchissants permettant la consommation de bouteilles d’eau fraiche.

 

  • Prise en compte des salariés vulnérables (art R. 4463-1 C. trav.): l’employeur est tenu d’adapter les conditions de travail lorsqu’il est informé de la vulnérabilité d’un salarié à la chaleur (ex : femme enceinte, personne âgée ou salarié atteint de pathologie chronique).

 

  • Évaluation des risques liés à la chaleur intense (art. R 4463-1 C. trav), avec intégration obligatoire dans le Document Unique d’Évaluation des Risques Professionnels (DUERP). Cette mise à jour doit être régulière et adaptée aux conditions estivales. Il en va de même pour le PAPRIPACT[5] (Programme annuel de prévention des risques professionnels et d’Amélioration des Conditions de travail).

 

  • Intégration du risque chaleur dans les documents de prévention opérationnels (art R 4463-8 C. trav. ). Il s’agit du plan de prévention[6], du plan général de coordination (PGC)[7] et du plan particulier de sécurité et de protection de la santé (PPSPS)[8].

 

  • Dispositifs de signalement immédiat des symptômes liés à la chaleur pour les salariés travaillant en situation d’isolement et/ou à distance des équipes : l’employeur met en place un téléphone professionnel ainsi qu’un dispositif de protection du travailleur isolé (PTI)[9].

 

 

    B. Les droits des travailleurs et les sanctions encourues en cas de non-respect des obligations de l’employeur liées aux fortes chaleurs

 

La santé et la sécurité ne relèvent plus uniquement du respect de normes techniques : elles s’inscrivent désormais dans une démarche proactive de prévention et d’évaluation des risques, au cœur des responsabilités de l’employeur.

 

  1. Les droits des travailleurs

 

Lorsqu’une vague de chaleur est classée en vigilance orange ou rouge par Météo-France, l’arrêté du 27 mai 2025 prévoit expressément qu’elle constitue une condition atmosphérique ouvrant droit à indemnisation des arrêts de travail pour intempéries dans les entreprises du bâtiment et des travaux publics (BTP).

 

Cette nouvelle disposition renforce le décret n°2024-630 du 28 juin 2024, lequel intégrait officiellement la canicule dans le régime du « chômage intempéries » pour les salariés du secteur.

 

En outre, le salarié peut exercer son droit de retrait dans les conditions prévues par le code du travail : lorsqu’il a un motif raisonnable de penser qu’il se trouve dans une situation de travail présentant un danger grave et imminent pour sa vie ou sa santé, à condition d’en alerter immédiatement l’employeur. Cela s’applique également aux risques liés aux fortes chaleurs. Si les conditions sont remplies, l’exercice de ce droit de retrait ne peut engendrer aucune sanction de la part de l’employeur.

 

  1. Les sanctions encourues par l’employeur en cas de non-respect de ses obligations

 

L’inaction de l’employeur face à un risque connu, comme la chaleur excessive, peut engager sa responsabilité au titre de la faute inexcusable au sens de l’article L. 452-1 du Code de la sécurité sociale.

 

En effet, la Cour de cassation considère que l’employeur ne peut ignorer les risques auxquels sont soumis les salariés[10].

 

La Cour d’appel de Riom[11] a par exemple reconnu la faute inexcusable d’un employeur qui avait affecté son salarié à des tâches pénibles sur un chantier (bétonnière en plein soleil, transport de ciment) par une température atteignant 37 °C. Le salarié est décédé après avoir présenté des symptômes de coup de chaleur (maux de tête, vertiges).

 

Il était reproché à l’employeur de n’avoir pris aucune mesure contre les fortes chaleurs (pas d’eau fraiche en quantité suffisante, absence d’ombre sur le chantier, horaires non aménagés), et un défaut de formation des salariés aux risques climatiques. La Cour a en effet considéré que l’employeur ne pouvait ignorer les risques liés à une température de 37°C et à l’exposition prolongée au soleil.

 

Avec la même logique, la Cour d’Appel d’Aix en Provence[12] a eu l’occasion de retenir la faute inexcusable de l’employeur à la suite du décès d’un salarié victime d’une insolation sur un chantier, en période de canicule. La température atteignait au minimum 33 °C. Le salarié avait travaillé en plein soleil, sans mesure de prévention suffisante. Là encore, il a été reproché à l’employeur de ne pas avoir adapté les horaires (absence de démarrage anticipé le matin, pause méridienne trop courte), ni organisé différemment les tâches pour éviter une exposition en milieu d’après-midi.

 

Enfin, la Cour d’Appel de Toulouse a également retenu la faute inexcusable d’un employeur à la suite de deux malaises consécutifs d’une salariée aux motifs que l’employeur avait mis à disposition de la victime un bureau sans ouverture sur l’extérieur, ni climatisation, ni ventilation mécanique, avec des températures dépassant les 29°C[13].

 

II. Au-delà des obligations de prévention relatives à la chaleur, les autres obligations estivales des employeurs

 

La période estivale étant propice à la pose de congés par les salariés permanents, les employeurs ont alors tendance à recourir aux salariés intérimaires, aux salariés saisonniers (ex : restauration) ainsi qu’aux jeunes travailleurs pour remplacer le personnel absent.

 

Or, le recours à une telle main d’œuvre implique des obligations particulières.

 

   A. Protection renforcée des travailleurs précaires (CDD, intérimaires, saisonniers)

 

Lorsqu’un accident survient à un travailleur intérimaire ou en CDD affecté à un poste à risques, et que ce dernier n’a pas bénéficié de la formation renforcée à la sécurité requise, le code du travail institue une présomption de faute inexcusable de l’employeur (art L 4154-3 C. trav.).

 

Cette présomption repose sur deux conditions cumulatives : d’une part l’affectation à un poste présentant des risques particuliers pour la santé ou la sécurité et d’autre part, l’absence de preuve de la formation renforcée exigée.

 

Cette présomption peut être renversée, mais uniquement si l’employeur démontre avoir effectivement dispensé la formation prévue à l’article L. 4154-2. A défaut, sa responsabilité est engagée.

 

En application des articles L. 4141-1 et L. 4142-2 du Code du travail, l’employeur doit assurer une formation à la sécurité adaptée au poste de travail, qui doit être théorique et pratique, et ce, dès l’embauche.

 

Attention, pour les travailleurs intérimaires ou en CDD affectés à des postes à risques, cette formation doit être renforcée : il ne s’agit pas d’un simple rappel général des consignes de sécurité, mais bien d’une formation spécifique, contextualisée, incluant si possible un tutorat et une évaluation des connaissances acquises.

 

Ainsi, afin de limiter les risques juridiques, il est recommandé pour les employeurs de privilégier pour les postes à risques, des profils disposant d’une expérience préalable ou d’un diplôme adapté.

 

Il est également préconisé de documenter rigoureusement la formation dispensée. Il peut s’agir de fournir un support écrit, une fiche de poste, une attestation signée par le salarié mentionnant l’ensemble des informations reçues (risques identifiés sur le poste de travail et l’environnement professionnel, mesures de prévention, fonctionnement de l’entreprise, consignes en cas d’urgence, EPI, …)

 

L’information ne doit pas se limiter à une transmission passive. L’employeur doit également informer le salarié des mesures concrètes prises pour prévenir les risques, y compris ceux liés à la chaleur, telles que l’adaptation des horaires, les pauses supplémentaires, ou la mise à disposition de boissons et d’espaces rafraîchis.

 

La formation doit donc être évolutive et continue, en fonction du changement des conditions de travail du salarié, et donc notamment en cas de périodes temporaires de fortes chaleurs.

 

L’employeur doit également s’assurer que le salarié a eu connaissance des documents indispensables pour l’évaluation des risques professionnels et qui répertorient les mesures de prévention pour chaque poste / module de travail (DUER, règlement intérieur, PPSPS, PGC,…).

 

Dans un arrêt du 11 octobre 2018[14], une entreprise utilisatrice a été condamnée au titre de la faute inexcusable, n’ayant pas démontré avoir formé spécifiquement une salariée intérimaire affectée à un poste à risque. La Cour a estimé que la seule affectation à un poste dangereux, sans preuve de la formation adéquate, suffisait à caractériser la faute inexcusable.

 

   B. L’emploi des jeunes travailleurs et stagiaires soumis à une règlementation particulière

 

Afin de protéger les jeunes travailleurs de moins de 18 ans, qu’ils soient salariés ou stagiaires, le Code du travail interdit de les affecter à certains travaux les exposant à des risques pour leur santé, leur sécurité, leur moralité ou excédant leurs forces.

 

Les articles L. 4153-8, L. 4153-9 et D. 4153-15 et suivants du Code du travail énumèrent les travaux interdits à l’ensemble des jeunes travailleurs. Sont notamment visés les travaux les exposant à des agents chimiques, biologiques ou physiques dangereux, ainsi que ceux excédant manifestement leurs capacités physiques.

 

De manière plus spécifique, l’article D. 4153-36 interdit formellement d’affecter les jeunes âgés de moins de 18 ans à des travaux les exposant à des températures extrêmes susceptibles de nuire à leur santé. Cette disposition prend tout son sens en période de fortes chaleurs, où l’exposition prolongée à des environnements surchauffés, en intérieur comme en extérieur, peut constituer un risque sérieux pour l’organisme.

 

Néanmoins, pour permettre aux jeunes travailleurs d’acquérir une pratique professionnelle, des dérogations, liées principalement à l’âge ou la nature de l’activité, peuvent être accordées sous certaines conditions.

 

Le Code du travail prévoit en outre, un dispositif de sanctions immédiates lorsque la santé ou la sécurité d’un jeune travailleur est mise en danger : le retrait d’affectation.

 

Le retrait d’affectation (C. trav., art L 4733-1 et suivants) peut être décidé par l’agent de contrôle de l’inspection du travail dès lors qu’un jeune est affecté à un travail strictement interdit, ou bien un travail réglementé, mais exécuté dans des conditions le plaçant en danger grave et imminent pour sa santé ou sa sécurité.

 

Ce retrait est immédiat et s’impose à l’employeur.

 

Enfin, en cas de risque sérieux d’atteinte à la santé, à la sécurité ou à l’intégrité physique ou morale du jeune travailleur, l’agent de contrôle peut également proposer à la DREETS [15]la suspension du contrat de travail ou de la convention de stage. Cette mesure vise à protéger le jeune travailleur, en urgence, le temps que l’employeur mette en œuvre les mesures coercitives nécessaires.

 

 

******

 

 

Le département Social du cabinet Péchenard & Associés se tient à votre disposition aussi bien pour vous venir en aide dans l’accompagnement et la mise en œuvre de ces nouvelles obligations de prévention liées aux épisodes de fortes chaleurs, que dans le cadre de contentieux en cours ou à venir.

 

 

Pour toute information, contactez Julie De Oliveira (deoliveira@pechenard.com) ou Charlotte Blanc Laussel (blanclaussel@pechenard.com)

 

 

[1] Source : https://eurogip.fr/quelles-sont-les-regles-a-linternational-pour-travailler-par-forte-chaleur-et-en- periode-de-canicule/

[2] https://www.legifrance.gouv.fr/jorf/id/JORFTEXT000051676074

[3] Arrêté du 27 mai 2025 relatif à la détermination des seuils de vigilance pour canicule du dispositif spécifique de Météo-France visant à signaler le niveau de danger de la chaleur dans le cadre de la protection des travailleurs contre les risques liés aux épisodes de chaleur intense

[4] Schéma créé à partir des informations contenues dans l’arrêté

[5] Le PAPRIPACT est un document obligatoire dans les entreprises d’au moins 50 salariés, dans lequel on définit (…) les actions de prévention qui doivent agir sur les risques professionnels identifiés. Le DUERP sert à identifier et le PAPRIPACT à proposer les actions préventives nécessaires.

[6] Le plan de prévention définit les mesures prises par chaque entreprise en vue de prévenir les risques, lorsque risque il y a (C. trav. Art R 4512-6).

[7] Le plan général de coordination est un document obligatoire lorsqu’un chantier fait intervenir plusieurs entreprises. Il identifie les risques découlant d’une coactivité simultanée (C. trav., art. R 4532-43).

[8] PPSPS : le plan de sécurité et de protection de la santé a pour objectif principal de permettre aux chefs de chantier de prévenir les risques de maladies professionnelles et d’accidents de travail auprès de leurs équipes.

[9] Le PTI est un dispositif (appareil ou application) permettant d’alerter automatiquement en cas de malaise, chute, ou immobilité anormale d’un salarié isolé.

[10] Cass. 2e civ., 8 novembre 2012, n°11-23.855

[11] CA Riom, 5 avril 2016, RG n°14/01239

[12] CA Aix-en-Provence, 11 janvier 2019, RG n°18/09848

[13] CA Toulouse, 7 septembre 2018, RG n°18/00257

[14] Cass. 2e civ., 11 octobre 2018, n°17-23.694

[15] Direction régionale de l’économie, de l’emploi, du travail et des solidarités (DREETS)

La période d’astreinte peut être considérée comme du temps de travail effectif

Cass. Soc. 14 mai 2025, F-B,  n°24-14.319

 

Le régime applicable à l’astreinte fait l’objet depuis plusieurs années de précisions jurisprudentielles.

 

Un arrêt récent de la chambre sociale de la Cour de cassation du 14 mai 2025 vient rappeler aux employeurs qu’une période d’astreinte peut être qualifiée de temps de travail effectif.

 

Pour rappel, selon l’article L.3121-9 du Code du travail, l’astreinte est définie comme une période durant laquelle un salarié, sans être sur son lieu de travail et sans être à la disposition permanente et immédiate de son employeur, doit être en mesure d’intervenir pour accomplir un travail au service de l’entreprise.

 

Par principe, lorsque le salarié est d’astreinte mais qu’il n’est pas sollicité pour intervenir, il ne réalise pas une prestation de travail et, par conséquent, cette période d’astreinte n’est pas considérée comme du temps de travail effectif. Ce n’est que si le salarié est amené à se déplacer pour une intervention que la durée de son intervention est considérée comme du temps de travail effectif.

 

Cet article est à mettre en parallèle avec l’article L. 3121-1 du Code du travail définissant le temps de travail effectif de la façon suivante :

 

« le temps pendant lequel le salarié est à la disposition de l’employeur et se conforme à ses directives sans pouvoir vaquer librement à des occupations personnelles ».

 

Ainsi, lorsque le salarié d’astreinte n’est pas dérangé pour effectuer une prestation, la période d’astreinte n’est pas considérée comme du travail effectif dans la mesure où elle ne l’empêche pas de vaquer librement à ses occupations personnelles.

 

Dans son arrêt du 14 mai dernier, la chambre sociale de la Cour de cassation vient apporter une nuance à ce principe.

 

La situation que la juridiction devait trancher était la suivante : un salarié était soumis à quatre astreintes hebdomadaires en sa qualité d’employé d’exploitation polyvalent au sein d’un hôtel.

 

Dans ce cadre, il devait répondre aux éventuels appels des clients de l’hôtel la nuit.

 

Il saisissait la juridiction prud’homale afin, notamment, de voir requalifier son temps d’astreinte en temps de travail, et demandait à ce titre des rappels de salaire.

 

Devant la Cour d’appel de Poitiers, le salarié arguait du fait que ces heures d’astreinte constituaient du temps de travail effectif dans la mesure où il était très significativement sollicité et que, par conséquent, il ne pouvait pas vaquer à ses occupations personnelles, de crainte d’être appelé à intervenir.

 

La Cour d’appel de Poitiers déboutait le salarié de ses demandes, jugeant qu’il ne rapportait aucun élément permettant d’établir que l’intégralité de ses temps d’astreinte constituait du temps de travail effectif, notamment, en raison de l’existence d’une borne d’accès 24 heures sur 24 permettant aux clients d’entrer librement dans l’hôtel sans avoir à s’adresser au salarié d’astreinte.

 

A ce sujet, le salarié rétorquait :

 

  • que son numéro de téléphone figurait sur la borne d’accès,
  • que les lieux et le matériel de l’hôtel étaient vétustes.

 

La Cour de cassation, au visa des articles L.3121-1 et L.3121-9 du Code du travail, a cassé et annulé l’arrêt de la Cour d’appel de Poitiers.

 

La Haute juridiction se réfère à la position de la Cour de justice de l’Union européenne, laquelle juge depuis 2021 et à la lumière de la directive 2003/88 que :

 

« l’intégralité des périodes de garde, y compris celles sous régime d’astreinte, au cours desquelles les contraintes imposées au travailleur sont d’une nature telle qu’elles affectent objectivement et très significativement la faculté, pour ce dernier, de gérer librement, au cours de ces périodes, le temps pendant lequel ses services professionnels ne sont pas sollicités et de consacrer ce temps à ses propres intérêts. Inversement, lorsque les contraintes imposées au travailleur au cours d’une période de garde déterminée n’atteignent pas un tel degré d’intensité et lui permettent de gérer son temps et de se consacrer à ses propres intérêts sans contraintes majeures, seul le temps lié à la prestation de travail, qui est, le cas échéant, effectivement réalisée au cours d’une telle période constitue du ‘temps de travail’ »

 

La Cour de cassation a donc repris la jurisprudence de la CJUE en la matière (CJUE, 9 mars 2021, aff. C-344/19, D.J. c/ Radiotelevizija Slovenija et CJUE, 9 mars 2021, aff/ C-58019, Stadt Offenbach aim Main).

 

Au cas présent, la Cour de cassation reprochait à la Cour d’appel :

 

  • de ne pas avoir pris en compte le fait que le salarié intervenait régulièrement durant ses astreintes, ce qu’elle avait pourtant constaté,

 

  • de ne pas avoir vérifié si le salarié avait été soumis « au cours de ces périodes, à des contraintes d’une intensité telle qu’elles avaient affecté, objectivement et très significativement, sa faculté de gérer librement, au cours de ces périodes, le temps pendant lequel ses services professionnels n’étaient pas sollicités et de vaquer à ses occupations personnelles ».

 

L’affaire a été renvoyée sur ce point devant la Cour d’appel de Bordeaux.

 

Cette jurisprudence n’est pas nouvelle puisque la Cour de cassation a déjà tranché en ce sens au cours de ces dernières années (Cass. soc. 26 octobre 2022, n°21-14.178 et Cass. soc. 21 juin 2023, n°20-21.843).

 

Cet arrêt est un rappel pédagogique de la méthode qu’il convient d’appliquer pour retenir (ou non) la qualification de temps de travail effectif.

 

 

 

***

 

A retenir :

 

Lorsqu’un salarié est soumis à une astreinte régulière, nous ne pouvons que recommander à l’employeur d’être vigilant sur sa mise en œuvre.

 

Notamment, il est primordial de mettre en place un cahier d’interventions répertoriant les jours d’astreinte effectués par le salarié et précisant si le salarié a été appelé à intervenir ou non.

 

Dans l’affaire précitée, l’employeur n’avait pas rempli et contrôlé les interventions de son salarié, ce qui l’a nécessairement mis en difficulté pour répondre aux arguments du salarié.

 

En outre, il est recommandé à l’employeur d’effectuer des bilans réguliers sur le fonctionnement des astreintes :

 

  • soit le bilan démontre que l’intervention du salarié est ponctuelle et dans ce cas, l’employeur pourra continuer sans risque à le solliciter sous cette forme,

 

  • soit le bilan démontre une intervention du salarié très régulière durant ses périodes d’astreinte et dans ce cas, il devra être envisagé un autre système afin d’éviter toute requalification et demande de rappel de salaires.

 

***

 

Le Département Social du cabinet Péchenard & Associés répond à toutes vos questions sur les problématiques relatives aux astreintes, aussi bien en conseil que dans le cadre de contentieux.

 

 

Pour toute information, contactez Julie De Oliveira (deoliveira@pechenard.com).

Mentions d’accessibilité : Mettez vos CGV ou sites web en conformité : DERNIER DELAI AU 28 JUIN 2025 !

Garantir un accès facilité au digital pour les personnes handicapées étaient déjà une obligation pour l’ensemble des sites internet de la sphère publique et des très grosses entreprises.

 

Cette obligation le devient également à partir du 28 juin 2025 pour certains types de sites internet dont les sites de commerce en ligne (sauf si votre entreprise a moins de 10 salariés et réalise moins de 2 millions d’euros de chiffre d’affaires).

 

C’est une directive européenne n° 2019/882 du 17 avril 2019 (L’European Accessibility Act – EAA) qui a imposé ce calendrier repris à l’article L.412-13 du code de la consommation complété par les articles D.412-12 et suivants du même code et mis en application pas l’arrêté du 9 octobre 2023 fixant les exigences en matière d’accessibilité applicables aux produits et services !

 

Les éditeurs ou les concepteurs de sites de commerces électroniques DOIVENT donc à la fois se mettre en conformité ET informer leurs clients.

 

– MISE EN CONFORMITE

 

Un audit du site est indispensable pour vérifier si le site internet, y compris les applications en ligne ou mobiles connexes, respecte les 4 piliers de la réglementation : contenus perceptibles, utilisables, compréhensibles et robustes pour les utilisateurs.

 

COMMENT FAIRE ?

 

  • En mettant à disposition les informations au moyen de plusieurs canaux sensoriels en accompagnant tout contenu non textuel d’une présentation de substitution dudit contenu ;
  • En présentant les informations de façon compréhensible en utilisant une police de caractères de taille et de forme appropriées compte tenu des conditions d’utilisation prévisibles, ainsi qu’un contraste fort, et en ménageant un espace ajustable entre les lettres, les lignes et les paragraphes ;
  • En facilitant la navigation au clavier ;
  • En mettant à disposition le contenu informatif dans des formats texte permettant de générer d’autres formats auxiliaires pouvant être présentés de différentes manières par les utilisateurs et par l’intermédiaire de plusieurs canaux sensoriels ;
  • En prévoyant un sous-titrage des vidéos ou une transcription pour le contenu multimédia ;
  • En rendant les formulaires accessibles et compréhensibles.

 

–    OBLIGATION D’INFORMATION

 

Le site doit comporter une page dédiée à la mise en conformité ou un article spécifique dans les CGV qui mentionne :

 

  • La façon dont le site respecte les exigences en matière d’accessibilité (respect de la norme européenne harmonisée EN 301 549 par exemple)
  • Une description générale du site

 

Ces nouvelles obligations entreront en vigueur à compter du 28 juin 2025.

 

En cas de manquement à la réglementation, une amende de 7 500 euros sera encourue, celle-ci pouvant être portée jusqu’à 15 000 euros en cas de récidive.

 

Pour toute information complémentaire contactez Fabien Honorat ; honorat@pechenard.com  ; 01.44.70.73.73

Signalement de harcèlement : l’éclairage de la Cour de cassation sur les mesures à prendre par l’employeur au titre de l’obligation de sécurité

Les entreprises sont régulièrement confrontées à la contestation de licenciements pour inaptitude par des salariés qui invoquent un manquement à l’obligation de sécurité.

 

Dans un arrêt récent rendu le 9 avril 2025 (Cass. Soc., 9 avril 2025, n°23-22.121), la chambre sociale de la Cour de cassation donne un canevas des mesures à prendre lorsqu’un salarié dénonce des faits susceptibles de caractériser un harcèlement moral, permettant à l’employeur de justifier qu’il a satisfait à son obligation de sécurité.

 

Rappelons tout d’abord qu’en vertu de cette obligation de sécurité, qui découle des articles L. 4121-1 et L. 4121-2 du Code du travail, l’employeur doit prendre toutes les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé tant physique que mentale de ses salariés.

 

Depuis un arrêt de principe du 25 novembre 2015, l’obligation de sécurité qui pèse sur l’employeur n’est plus une obligation de résultat mais une obligation de moyens renforcée (Cass. Soc., 25 novembre 2015, n°14-24.444).

 

L’employeur peut ainsi s’exonérer de sa responsabilité s’il justifie avoir pris toutes les mesures prescrites par la loi pour préserver la santé et la sécurité des salariés.

 

S’agissant plus particulièrement du harcèlement moral, la Cour de cassation a pris position en matière de prévention, notamment dans un arrêt de principe du 1er juin 2016, selon un attendu rédigé en ces termes :

 

« ne méconnaît pas l’obligation légale lui imposant de prendre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs, notamment en matière de harcèlement moral, l’employeur qui justifie avoir pris toutes les mesures de prévention prévues par les articles L. 4121-1 et L. 4121-2 du code du travail et qui, informé de l’existence de faits susceptibles de constituer un harcèlement moral, a pris les mesures immédiates propres à le faire cesser » (Cass . soc. 1er juin 2016, n°14-19.702).

 

Dans cette affaire, l’employeur ne justifiait pas avoir pris toutes les mesures de prévention visées aux articles précédemment évoqués et notamment avoir mis en œuvre « des actions d’information et de formation propres à prévenir la survenance de faits de harcèlement moral ».

 

La Haute juridiction a dès lors considéré que l’employeur n’avait pas respecté l’obligation de santé et sécurité lui incombant.

 

L’assouplissement de l’obligation de sécurité ne dispense donc pas l’employeur de mettre en œuvre toutes les mesures nécessaires à préserver la santé et la sécurité des travailleurs, et de veiller à prévenir les risques, notamment en matière de harcèlement moral.

 

Dans l’arrêt commenté du 9 avril 2025, la Cour de cassation reprend l’attendu de principe selon lequel (i) l’obligation de sécurité est une obligation de moyens renforcée et (ii) l’employeur ne méconnait pas s’il justifie avoir pris toutes les mesures de prévention légales, et en fait une application à un cas de licenciement pour inaptitude (Cass. Soc., 9 avril 2025, n°23-22.121).

 

En l’espèce, la salariée, licenciée pour inaptitude et impossibilité de reclassement, soutenait avoir été victime de faits de harcèlement moral. Elle contestait ainsi son licenciement qu’elle estimait consécutif au manquement de l’employeur à son obligation de sécurité, faute d’avoir pris les mesures de prévention adéquates.

 

La cour d’appel de Bordeaux l’a déboutée de ses demandes.

 

La Cour de cassation a suivi la position des juges du fond et a relevé que la société avait pris de nombreuses dispositions, dès lors que :

 

  • La Direction n’a eu connaissance du mal-être de la salariée qu’au mois de mars 2017, alors que cette dernière invoquait des difficultés rencontrées avec sa supérieure hiérarchique et une souffrance causée remontant à 2012,

 

  • L’employeur a immédiatement mis en place un suivi de la salariée par le médecin du travail et la direction des ressources humaines et mené une enquête interne sur les faits dénoncés.

 

Ce n’est pas tout. Après que l’enquête a révélé un mal-être au travail, outre une ambiance pesante dans le service, le tout dû au comportement agressif de la manager, l’employeur a maintenu un dispositif spécifique d’accompagnement lors de la reprise de la salariée victime des agissements harcelants.

 

La salariée a ainsi bénéficié :

 

  • d’un entretien hebdomadaire avec la direction des ressources humaines,
  • d’un suivi régulier de l’évolution de sa situation,
  • de la mise à disposition d’un psychologue.

 

La Haute juridiction a alors considéré que ces mesures étaient suffisantes et que l’employeur n’avait commis aucun manquement à son obligation de sécurité, de sorte que le licenciement pour inaptitude était valable. Les demandes de la salariée au titre d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse et à titre de dommages-intérêts pour manquement à l’obligation de sécurité ont donc être rejetées.

 

Cette décision donne un éclairage intéressant sur les exigences des juges en matière de respect de l’obligation de sécurité par l’employeur, en cas de dénonciation de harcèlement moral.

 

 

***

 

A retenir :

 

Lorsqu’un salarié porte à la connaissance de sa hiérarchie des faits susceptibles de caractériser un harcèlement moral, l’employeur doit réagir dans les meilleurs délais afin de mettre fin à la situation dénoncée.

 

Il convient notamment de diligenter une enquête interne, en interrogeant le salarié qui a dénoncé des agissements prohibés, mais aussi ses collègues de travail susceptibles d’avoir été témoins et/ou eux-mêmes victimes des faits.

 

Le salarié doit en outre être pris en charge sur le plan médical. A cet égard, il peut lui être proposé un soutien psychologique ; le numéro d’une cellule d’écoute ou d’un organisme spécialisé peut aussi être mis à sa disposition.

 

Puis, selon le résultat de l’enquête, l’employeur doit prendre les mesures nécessaires pour faire cesser le trouble éventuellement constaté (mutation disciplinaire, sanction disciplinaire, licenciement…).

 

Enfin, l’accompagnement particulier du salarié victime de faits de harcèlement moral au moment de la dénonciation des faits, puis lors de la reprise du travail (s’il a été placé en arrêt de travail par exemple), permet à l’employeur de démontrer qu’il a pris toutes les mesures nécessaires dans le respect de son obligation de santé et sécurité des travailleurs.

 

 

***

 

 

Le Département Social du cabinet Péchenard & Associés répond à toutes vos questions sur les problématiques relatives au harcèlement et à l’obligation de sécurité, aussi bien en conseil que dans le cadre de contentieux, sur le fond et sur le terrain probatoire.

 

 

 

Pour toute information, contactez Julie De Oliveira (deoliveira@pechenard.com)

Loi Sapin : un formalisme rigoureux… jusqu’à un certain point – Commentaire d’Eric Andrieu paru dans Légipresse

Il résulte de l’article 20 de la loi Sapin du 29 janvier 1993 et des articles 1984 et 1998 du code civil que le vendeur d’espaces publicitaires qui a conclu un contrat de vente avec le mandataire d’un annonceur, bénéficie d’une action directe en paiement contre ce dernier s’il justifie du principe de sa créance et du pouvoir du mandataire lors de la conclusion du contrat de vente d’espaces publicitaires, sans être tenu de rapporter la preuve que le mandat a été conclu par écrit.

 

Télécharger l’article publié dans Légipresse

Politique, plage, ligne éditoriale et intérêt général – Commentaire de Caroline Mas paru dans Légipresse

L’article accompagné de photos révélant la relation intime entre un homme politique et sa conseillère est protégé par la liberté d’expression. L’éditeur justifie du caractère légitime de la publication comme étant reliée à un fait d’actualité, poursuivant un but légitime puisque l’article contribue à un débat d’intérêt général, à savoir faire connaître la conseillère particulière du futur candidat à la présidentielle, ses idées et son influence sur celui-ci.

 

Télécharger l’article publié dans Légipresse

La recevabilité des témoignages anonymisés : la Cour de cassation poursuit sa refonte du droit de la preuve

Historiquement, le droit français s’est toujours montré prudent quant à l’utilisation des témoignages anonymes en matière disciplinaire ou prud’homale, en raison du risque d’atteinte aux droits fondamentaux, notamment des principes du contradictoire et de l’égalité des armes, mais aussi des droits de la défense, consacrés tant par les normes supranationales (article 6 §1 et 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’Homme) que nationales (articles 16 à 20 du Code de procédure civile).

 

Traditionnellement, la Chambre sociale de la Cour de cassation adoptait une approche restrictive. Dans un arrêt de principe du 4 juillet 2018, la Haute Cour a clairement pris position, considérant que les témoignages anonymes ne pouvaient suffire à eux seuls à justifier une sanction disciplinaire, de sorte qu’ils devaient impérativement être corroborés par des éléments complémentaires fiables (Cass, Soc. 4 juillet 2018, n°17-18.241 P). Cette exigence visait à garantir au salarié concerné la possibilité effective de contester les faits qui lui étaient reprochés par l’employeur.

 

La Cour de cassation a appliqué la même solution aux témoignages anonymisés :

 

« Il résulte de ce texte [article 6 §1 et 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’Homme] garantissant le droit à un procès équitable, que si le juge ne peut fonder sa décision uniquement ou de manière déterminante sur des témoignages anonymes, il peut néanmoins prendre en considération des témoignages anonymisés, c’est-à-dire rendus anonymes a posteriori afin de protéger leurs auteurs mais dont l’identité est néanmoins connue par l’employeur, lorsque ceux-ci sont corroborés par d’autres éléments permettant d’en analyser la crédibilité et la pertinence » (Cass, Soc. 19 avril 2023, 21-20.308 P).

 

La Haute Cour opérait alors une distinction fondamentale entre deux situations pouvant se confondre : un témoignage anonymisé n’est pas un témoignage anonyme. En effet, le témoignage anonymisé se distingue en ce qu’il est rendu anonyme a posteriori, dans le but de protéger l’identité de son auteur, bien que celle-ci reste connue de la partie qui le présente. Cette configuration permet à cette dernière de vérifier plus aisément la crédibilité des déclarations recueillies. Par ailleurs, la volonté de prémunir le témoin contre d’éventuelles représailles constitue un motif légitime de recours à l’anonymisation.

 

Par un arrêt du 19 mars 2025 la Cour de cassation opère un véritable tournant jurisprudentiel. Dans cette décision, la Chambre sociale reconnaît pour la première fois le fait que les témoignages anonymisés puissent, sous certaines conditions strictes, suffire à eux seuls à motiver un licenciement (Cass, Soc. 19 mars 2025, n°23-19.154 P).

 

L’arrêt concernait spécifiquement un salarié licencié pour faute grave dont les manquements étaient fondés sur des accusations anonymisées recueillies par huissier de justice. La Cour a estimé que le risque potentiel à la sécurité des témoins justifiait exceptionnellement de renoncer à l’exigence stricte de corroboration par d’autres éléments de preuve :

 

« Il appartient au juge, dans un procès civil, d’apprécier si la production d’un témoignage dont l’identité de son auteur n’est pas portée à la connaissance de celui à qui ce témoignage est opposé, porte atteinte au caractère équitable de la procédure dans son ensemble, en mettant en balance le principe d’égalité des armes et les droits antinomiques en présence, le droit à la preuve pouvant justifier la production d’éléments portant atteinte au principe d’égalité des armes à condition que cette production soit indispensable à son exercice et que l’atteinte soit strictement proportionnée au but poursuivi ».

 

La condition essentielle posée par la Cour est ici celle de « l’indispensabilité ». La Cour de cassation prend le parti de la laisser à l’appréciation souveraine du juge du fond saisi. Ce dernier est par conséquent appelé à opérer un contrôle de proportionnalité entre le principe d’égalité des armes et le droit à la preuve, ce dernier prenant l’ascendant sur le premier si la preuve apportée est strictement proportionnée au but poursuivi.

 

Sur ce dernier point, la Cour de cassation déclare par ailleurs avec force que « le droit à la divulgation des preuves pertinentes n’est pas absolu, en présence d’intérêts concurrents tels que, notamment, la nécessité de protéger des témoins risquant des représailles, qui doivent être mis en balance avec les droits du justiciable ».

 

En d’autres termes, la Haute Juridiction retient en l’espèce que l’employeur, du fait de son obligation légale d’assurer la sécurité physique et mentale de ses salariés, n’était pas tenu de divulguer l’identité des témoins, les préservant ainsi d’éventuelles représailles. Cette perspective est inédite.

 

La jurisprudence de la Chambre sociale de la Cour de cassation tend vers une vision libéralisée du droit de la preuve, analysant les autres principes fondamentaux sous ce prisme. C’est d’ailleurs ce qu’elle avait fait en rendant admissibles les preuves obtenues illicitement ou déloyalement, considérant alors que le principe de loyauté de la preuve en matière civile devait céder si le juge considérait, au moyen d’un contrôle de proportionnalité, que l’atteinte était proportionnée au but poursuivi (Cass, Ass. Plén. 23 décembre 2023, n° 20-20.648).

 

La portée de l’arrêt rendu le 19 mars 2025, publié au Bulletin, pourrait bouleverser les rapports probatoires dans les contentieux individuels.

 

Il est certain que les employeurs devront s’en emparer, notamment dans le cadre d’un contentieux, si les faits fautifs à l’origine de la sanction ou du licenciement s’y prêtent (par exemple en cas d’altercation, de violences ou de manquement à une consigne de sécurité devant témoins). Il incombera à l’employeur d’évaluer le risque qu’il fait peser sur la sécurité des salariés acceptant de témoigner, et de les rassurer au besoin en leur garantissant l’anonymat.

 

L’employeur devra également anticiper une stratégie similaire au stade de la constitution du dossier disciplinaire, en cherchant à recueillir un maximum de témoignages écrits (en amont ou après la notification de la mesure, avant toute saisine en justice), aussi avec l’idée de limiter le risque de pressions exercées par le salarié visé sur ses collègues attestants.

 

Il est nécessaire de rappeler que l’employeur ne peut évidemment pas contraindre un salarié de témoigner, ni moduler le témoignage apporté en des termes choisis par l’entreprise, sous peine de caractériser un comportement délictuel de subornation de témoin tel que visé à l’article 434-15 du Code pénal (Cass, Crim. 28 juin 2011, n°10-88.795).

 

 

***

 

 

Le Département Social du cabinet Péchenard & Associés répond à toutes vos questions sur l’optimisation de la préparation d’un dossier disciplinaire et vous conseille sur la juste utilisation des témoignages dans le cadre d’un contentieux prud’homal.

 

Pour toute information, contactez Julie De Oliveira (deoliveira@pechenard.com).

 

 

Arrêt commenté : Cass, Soc. 19 mars 2025, n°23-19.154 P

Liberté d’expression Versus RGPD : K.O technique avec arrêt de l’arbitre

Dans le coin rouge, je vous présente le champion en titre : le principe constitutionnel de « liberté d’expression », invaincu en France depuis 1789 et son article 11 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen et consacré en Europe par l’article 10 de la Convention Européenne des droits de l’homme, champion du monde des libertés fondamentales toutes catégories.

 

Dans le coin bleu, le jeune challenger, le principe de protection des données personnelles, posé en Europe par le règlement général de protection des données (RGPD) depuis 2016 et qui compte déjà plusieurs combats gagnés avant la limite contre les GAFAM.

 

Le RGPD est devenu depuis 2016 un outil juridique assez efficace en précontentieux ou contentieux pour contraindre la partie adverse dans des litiges qui a priori n’ont pas directement à voir avec le traitement des données personnelles tel que le public peut l’entendre : un salarié mis à pied n’a plus accès à ses données professionnelles, il fait valoir son droit d’accès au nom du RGPD ; la voix d’une personne a été reprise à son insu : c’est une donnée personnelle dont l’usage implique en principe l’obtention d’un consentement ; un consommateur a un litige avec sa banque : il peut demander l’intégralité des données que celle-ci a agglomérées au fil des années ; une personne est nommément citée dans un journal mais une action en diffamation apparaît aléatoire ou prescrite cela constitue aussi le traitement d’une donnée personnelle dont on peut demander l’effacement….

 

C’est justement le fond de l’affaire qui se présentait devant la Cour d’Appel de Paris dans un arrêt du 20 février 2025.

 

Le journal 20 minutes a publié un article relatant les déboires judiciaires d’un ancien dirigeant d’un club de sport parisien.

 

Ce dernier avait été condamné par le tribunal judiciaire de Paris pour divers délits dont abus de confiance mais il avait interjeté appel.

 

A l’époque (2009) le journal 20 minutes avait publié un article en faisant état du jugement de première instance et de la condamnation.

 

En 2011 la Cour d’Appel avait confirmé cette condamnation tout en diminuant une partie des peines prononcées par le tribunal.

 

L’article de 20 minutes était toujours en ligne dans les archives du site et sans doute toujours mis en avant sur Google quand on tapait le nom du dirigeant en question.

 

Ainsi en 2019, le conseil du dirigeant a alors sorti son joker : le RGPD. Il a mis en demeure 20 Minutes de supprimer l’article poursuivi et de faire le nécessaire pour qu’il ne soit plus indexé par les moteurs de recherche en application des articles 17 et 21 du RGPD.

 

20 minutes décidait de mettre à jour son article en faisant état de l’arrêt de la Cour d’Appel mais sans supprimer une ligne de l’article d’origine.

 

Ce n’était pas tout à fait ce qu’espérait le dirigeant qui souhaitait qu’Internet efface totalement son passé judiciaire et son conseil assignait alors 20 Minutes sur le fondement du RGPD et du droit “à l’oubli” en demandant de supprimer l’article en question ou à tout le moins de l’anonymiser.

 

C’est ici que le combat commence.

 

20 Minutes décoche le premier uppercut et invoque le principe de liberté d’expression et d’information arguant qu’il était de l’intérêt du public de continuer d’être informé de cette affaire publique.

 

Le dirigeant restait dans son coin, la garde haute, et demandait l’application pure et simple du RGPD. En reproduisant son nom, 20 minutes traitait nécessairement l’une de ses données personnelles et qu’un traitement de données personnelles doit en principe reposé sur une base légale : le consentement de la personne concernée, l’exécution d’un contrat, l’intérêt légitime du responsable de traitement et que selon lui aucun de ces fondements n’étaient justifiés en l’espèce.

 

Le tribunal judiciaire donnait raison à 20 Minutes qui remportait donc ce premier round.

 

Le dirigeant rejoignait son coin sonné et après l’intervention des soigneurs repartait à l’attaque au gong du deuxième round en interjetant appel. Il était clairement plus agressif.

 

Il mettait en avant qu’il n’existait aucun motif légitime et impérieux de s’opposer à une demande d’opposition de traitement de ses données personnelles et rappelait les 7 critères posés par la Cour européenne des droits de l’homme (arrêt du 4 juillet 2023 – M. Y. c. Belgique) pour faire droit à une demande de droit à l’oubli : la nature de l’information archivée, le temps écoulé depuis les faits rapportés, l’intérêt contemporain de l’information, la notoriété de la personne, les répercussions négatives de la persistance de l’information sur le site, le degré d’accessibilité de l’information, l’impact de la mesure sur la liberté d’expression.

 

Il estimait clairement être dans ce cas de figure.

 

C’est là que 20 Minutes a utilisé un coup bas : le journal rappelait que même le RGPD dans son article 17.3 excluait l’application du droit à l’oubli face à l’exercice du principe de liberté d’expression et d’information des organes de presse et que cette exception était justifiée « en raison du rôle essentiel de la presse dans une société démocratique ».

 

Le dirigeant allait pour la première fois au sol et était compté par les juges.

 

Ces derniers lançaient le décompte fatidique :

 

– UN : la diffusion de la condamnation pénale relevait à l’évidence du droit à l’information au moment où elle est intervenue,

 

– DEUX : le fait que 20 Minutes ait pu se tromper sur le montant des sommes détournées ou n’ait pas précisé en quoi l’arrêt d’appel avait infirmé partiellement le jugement de condamnation ne rendait pas inexactes les informations publiées,

 

– TROIS : le droit à la protection des données personnelles ne pouvait être interprété comme un droit à faire disparaître à première demande des contenus médiatiques publiés sur internet, la presse contribuant à la mission de formation de l’opinion.

 

– QUATRE : l’ancienneté des faits n’était pas opposable à 20 minutes, les informations contenues dans l’article contribuant à alimenter un débat d’intérêt général, notamment sur les liens entre l’argent et le sport.

 

– CINQ : le dirigeant se présentait comme un “homme sans aucune notoriété” ce qui était manifestement inexact et justifiait au surplus le maintien de l’article en ligne pour l’information du public,

 

– SIX : l’information en l’espèce était la publication d’une décision de justice sur un sujet d’intérêt public, et la liberté de cette publication devait être particulièrement protégée pour permettre à la justice de jouer son rôle de prévention des infractions,

 

– SEPT : le dirigeant n’avait subi aucun préjudice puisqu’il avait trouvé un emploi dans une autre fédération sportive et ce alors même que l’article était encore en ligne et même accessible sur les sites de recherches,

 

– HUIT : il est important que des condamnations de personnes “publiques “ puissent être portées à la connaissance de tous de façon libre et sans restriction,

 

– NEUF : la demande d’anonymisation était également retoquée. Au contraire les juges estimaient que la mention des éléments d’identification et l’évocation de condamnations pénales relevaient du droit à l’information du citoyen, comme toute divulgation au public d’informations, d’opinions ou d’idées, et de la liberté d’expression,

 

– DIX : le gong sonne et la Cour d’Appel rend son verdict en déclarant vainqueur 20 Minutes et en déboutant le dirigeant de toutes ses demandes.

 

Le challenger RGPD a donc perdu ce premier combat pour le titre mais nul doute que la ceinture sera à nouveau mise en jeu dans une revanche à venir.

 

Comme dirait feu Georges Foreman : it’s Rumble in the jungle !

 

 

Pour toute information, contactez Fabien Honorat (honorat@pechenard.com)

Classements 2025 du cabinet

Legal 500 

 

Le cabinet Péchenard & Associés se réjouit de figurer de nouveau dans le classement Legal 500.

 

Il est classé au 1er niveau dans la catégorie Media and Entertainment dans les domaines Publicité et Télévision / Radio.

 

Eric Andrieu est désigné comme Hall Of Famer en Publicité et comme Leading individual en Télévision / Radio.

 

Fabien Honorat est également désigné comme Leading individual en Publicité.

 

Caroline Mas est citée comme Leading individual en Publicité et comme Next generation partner en Télévision / Radio.

 

Parmi les témoignages publiés notons :

 

  • « Eric Andrieu et Caroline Mas sont très réactifs et efficaces. »

 

  • « Eric Andrieu et Caroline Mas forment un duo très efficace »