Force majeure : le client bénéficiaire des prestations peut-il l’invoquer ?

Par Gauthier Moreuil

La force majeure au temps du Covid a été l’un des sujets juridiques phares de l’année. La crise sanitaire a durement impacté notre vie économique, entraînant le report ou l’annulation de bon nombre de projets et d’évènements. La question de savoir qui doit en supporter les conséquences s’est rapidement posée et certaines décisions judiciaires, que l’on qualifiera de conjoncturelles, ont pu semer le trouble à ce sujet.

 

L’épidémie et les mesures gouvernementales prises pour la contrecarrer ont bousculé nos habitudes et nos certitudes, c’est indéniable, et les juges n’en ont évidemment pas été épargnés.

 

Par un important arrêt du 25 novembre 2020 (n°19-21060), la Première chambre civile de la Cour de cassation a remis l’église au milieu du village : « le créancier qui n’a pu profiter de la prestation à laquelle il avait droit ne peut obtenir la résolution du contrat en invoquant la force majeure ».

 

La règle est claire : la force majeure ne peut être invoquée que par le débiteur de l’obligation empêchée (l’article 1218 du code civil ne parle d’ailleurs que du débiteur), jamais par le créancier de cette obligation. Autrement dit, seul le prestataire qui n’a pu fournir les prestations peut se réfugier derrière la force majeure, en aucun cas le client qui n’a pu profiter de ces prestations.

 

Il faut par ailleurs rappeler que, bien que le client soit lui-même débiteur d’une obligation – celle de payer le prix de la prestation bien sûr – il ne peut pas invoquer la force majeure à cet égard, selon une solution jurisprudentielle classique : « le débiteur d’une obligation contractuelle de somme d’argent inexécutée ne peut s’exonérer de ce cette obligation en invoquant un cas de force majeure » (Com., 16 septembre 2014, n°13-20306).

 

En définitive, la seule porte de sortie envisageable pour le client est d’invoquer l’imprévision (article 1195 du code civil), ce qui suppose qu’il puisse démontrer deux choses : un changement de circonstances imprévisible lors de la conclusion du contrat et une exécution devenue « excessivement onéreuse » pour lui. Si ces deux conditions sont remplies, il peut valablement demander au prestataire une renégociation du contrat, mais il doit tout de même continuer à exécuter ses obligations pendant cette renégociation. Ce n’est qu’en cas d’échec de celle-ci que le juge peut être saisi, afin d’adapter le contrat ou d’y mettre fin à la date et aux conditions qu’il fixe.

 

Pour toute information, contactez Gauthier Moreuil (moreuil@pechenard.com)