L’Accord National Interprofessionnel du 26 novembre 2020 pour une mise en œuvre réussie du télétravail

Par Julie De Oliveira et Florian Schmitt

La crise du Covid-19 a accéléré le déploiement du télétravail. Mis en place souvent dans l’urgence et de manière contrainte au second trimestre 2020, le télétravail se pérennise aujourd’hui dans bon nombre d’entreprises qui y voient une réponse conjoncturelle et une solution pour permettre la poursuite de leur activité ou, pour certaines, une nouvelle organisation structurelle vertueuse du travail et une source d’attractivité.

 

Dans ce contexte, pour adapter, préciser et réaffirmer le cadre juridique existant, les partenaires sociaux ont signé le 26 novembre 2020, un Accord National Interprofessionnel « pour une mise en œuvre réussie du télétravail ».

 

Sans créer de règles nouvelles, l’objectif affiché de cet outil est d’« expliciter l’environnement juridique applicable au télétravail et proposer aux acteurs sociaux dans l’entreprise, et dans les branches professionnelles, un outil d’aide au dialogue social, et un appui à la négociation, leur permettant de favoriser une mise en œuvre réussie du télétravail ».

 

Pour y parvenir, ce texte réaffirme d’une part, le cadre juridique fixé par l’Accord National Interprofessionnel du 19 juillet 2005 et les articles L. 1222-9 à L. 1222-11 du Code du travail (I) et prend en compte d’autre part, les problématiques nouvelles liées à la généralisation du télétravail (II).

 

1.La réaffirmation du cadre général de mise en œuvre du télétravail

 

Les entreprises sont une nouvelle fois invitées à favoriser le dialogue social, le texte rappelant que le télétravail doit être prioritairement mis en place dans le cadre d’un accord collectif ou, à défaut, dans le cadre d’une charte élaborée par l’employeur après avis, le cas échéant, du comité social et économique. Et ce n’est qu’en l’absence d’accord collectif ou de charte, qu’est rendue possible la mise en œuvre du télétravail par un accord de gré à gré entre le salarié et l’employeur.

 

L’idée étant d’encourager les entreprises à adopter un socle juridique clair et à définir avec précision le recours au télétravail, à mesure que celui-ci prend une place de plus en plus importante.

 

Le principe du volontariat, tant du salarié que de l’employeur, est à nouveau consacré, étant précisé que la formalisation de l’accord peut intervenir par tous moyens, sous réserve de pouvoir en établir la preuve le cas échéant.

 

Il est également rappelé que l’employeur doit motiver son refus d’accéder à une demande de télétravail « dès lors que l’accès au télétravail est ouvert dans l’entreprise par un accord collectif de travail ou par une charte, et que le salarié demandeur occupe un poste télétravaillable en vertu d’une disposition de cet accord ou de cette charte, ou dès lors qu’il s’agit d’un salarié en situation de handicap ou aidant un proche ».

 

En cas de circonstances exceptionnelles, notamment de menace d’épidémie ou en cas de force majeure, le recours au télétravail peut être imposé au salarié pour permettre la continuité de l’activité de l’entreprise et garantir sa protection.

 

 

2.La prise en compte des problématiques nouvelles induites par la généralisation du télétravail

 

L’expansion du télétravail entraine de nouvelles questions, d’ordre purement pratique comme la prise en charge des frais afférents, ou plus profondes comme celle de l’accompagnement des managers et collaborateurs, ou celles relatives aux nouveaux risques professionnels qui pourraient survenir.

 

A ce titre, l’ANI réaffirme le principe selon lequel les frais engagés par un salarié, pour les besoins de son activité professionnelle et dans l’intérêt de l’entreprise, doivent être supportés par cette dernière, en précisant que ce principe s’applique à l’ensemble des situations de travail, en ce compris le télétravail.

 

Le choix des modalités de prise en charge des frais professionnels est renvoyé au dialogue social dans l’entreprise.

 

Par ailleurs, l’accord tient compte du fait que le télétravail « fait évoluer la manière d’animer la communauté de travail et peut donc s’accompagner de la mise en place de pratiques managériales spécifiques » et prévoit des thématiques de formation pour permettre à l’ensemble des collaborateurs d’appréhender cette nouvelle organisation du travail. A ce titre, il est à noter qu’un autre Accord National Interprofessionnel portant diverses orientations pour les cadres, signé le 28 février 2020, avait déjà abordé les nouveaux enjeux liés au management à distance.

 

Diverses bonnes pratiques pour faciliter le télétravail sont également énumérées, parmi lesquelles : définir les modalités d’usage des outils numériques, établir un socle de consignes minimales à respecter en télétravail, ou encore mettre à disposition des salariés une liste d’outils de communication et de travail collaboratif appropriés au travail à distance.

 

Enfin, l’ANI rappelle la nécessité de maintenir un lien social et fixe un certain nombre de garde-fous pour prévenir de l’isolement qui pourrait résulter du télétravail (alerte du manager, définition de repères communs, mise en relation avec les services des ressources humaines ou la médecine du travail).

 

Le bien-être des salariés en télétravail fait l’objet de nombreux débats dans les médias actualisés, au titre de l’actualité encourant la Covid-19.

 

Toujours en vue de préserver la santé et de la sécurité des salariés, est confirmée la nécessaire prise en compte des risques afférents au télétravail, notamment dans le cadre de la rédaction du document unique d’évaluation des risques (DUER).

 

Avec l’ANI du 24 novembre 2020, sans connaitre une révolution, le cadre juridique du télétravail a été épousseté par des partenaires sociaux soucieux d’accompagner le déploiement de cette nouvelle organisation du travail qui bouleverse salariés et employeurs, tout en évitant dans la mesure du possible la survenance de risques psychosociaux.

 

Il appartient aux entreprises d’être attentives à l’évolution du télétravail qui a vocation à se développer encore, ainsi qu’à ses conditions de mise en œuvre. Le tout en concertation avec les représentants du personnel et le soutien des salariés eux-mêmes.

 

Pour toute information, contactez Julie De Oliveira (deoliveira@pechenard.com)