Le Conseil constitutionnel se positionne sur la question de l’acquisition de congés payés en cas d’arrêt maladie

Par Julie De Oliveira et Laëtitia Garcia

Le 8 février 2024, statuant sur une QPC transmise par la Cour de cassation, le Conseil Constitutionnel a jugé conformes à la Constitution les dispositions du Code du travail limitant l’acquisition de congés payés pendant les périodes d’arrêts maladie, renvoyant désormais au législateur la mission d’apporter une réponse aux arrêts rendus par la Haute Juridiction judiciaire le 13 septembre dernier.

 

Pour rappel, par ces arrêts, la Cour de cassation a opéré un bouleversement important dans l’ordre juridique français en écartant des dispositions du code du travail en matière de congés payés, les estimant contraires au droit européen et plus précisément à la directive 2003/88/CE du Parlement européen et du Conseil du 4 novembre 2003.

 

Les salariés malades ou accidentés acquièrent dorénavant des congés payés sur leur période d’absence pour maladie, même lorsque cette absence n’est pas liée à un accident de travail ou à une maladie professionnelle. Également, en cas d’accident du travail, le calcul des droits à congés payés n’est plus limité à la première année de l’arrêt de travail.

 

La Cour de cassation précise que la prescription du droit à congé payé ne commence à courir que lorsque l’employeur a mis son salarié en mesure d’exercer ce droit en temps utile.

 

Cette prise de position des juges suprêmes, qui a connu un impact direct et immédiat pour les employeurs, les services de gestion des paies et les services des ressources humaines, a cependant laissé de nombreuses questions en suspens.

 

Rapidement saisi du sujet, le Conseil Constitutionnel était invité à se prononcer sur la constitutionnalité des dispositions du Code du travail portant sur les congés payés dans leur rédaction actuelle et ce au regard :

 

  • d’une part, du droit au repos dans la mesure où la loi actuelle subordonne l’acquisition de congés payés à la réalisation d’un travail effectif,

 

  • d’autre part, du principe d’égalité devant la loi dans la mesure où les dispositions actuelles instaurent une distinction entre les salariés en arrêt de travail d’origine professionnelle et ceux en arrêt de travail pour une cause non professionnelle.

 

Dans sa décision du 8 février 2024 (n°2023-1079 QPC), le Conseil Constitutionnel a considéré que le Code du travail ne méconnaissait ni le droit au repos ni le principe d’égalité devant la loi, de sorte que les dispositions actuelles portant sur les congés payés sont conformes à la Constitution.

 

Pour autant, cette décision du Conseil Constitutionnel ne remet pas en cause le revirement opéré par la Cour de cassation le 13 septembre dernier. C’est au législateur que revient dorénavant la tâche d’encadrer cette nouvelle jurisprudence.

 

Bien que la marge de manœuvre du législateur soit limitée, il pourrait essayer de minimiser les conséquences financières pour les entreprises en limitant l’application de ce droit aux 4 premières semaines de congés payés garanties par la directive européenne, et en excluant la 5ème semaine. Cette démarche permettrait de limiter l’impact financier tout en restant conforme au droit communautaire.

 

La jurisprudence européenne admet également des limitations au report des congés non pris en raison d’un arrêt maladie. En effet, selon la Cour de justice de l’Union européenne, une période de report peut être fixée à 15 mois, par exemple, tandis que la jurisprudence française approuve également une période de report “substantiellement supérieure” à la période de référence. Ce pourrait être un autre levier de manœuvre. On pourrait ainsi envisager qu’un accord collectif ou une décision unilatérale de l’employeur puisse limiter le report des congés payés pour une durée proche des 15 mois visés par la CJUE.

 

Enfin, la question de la rétroactivité de l’application de cette jurisprudence est régulièrement évoquée. Le législateur pourrait limiter le délai de prescription pour les réclamations de congés payés non pris. On pourrait raisonnablement envisager l’application de la prescription triennale prévue à l’article L. 3141-5 du Code du travail : le salarié qui n’a pas été mis en mesure d’exercer son droit à congé payé pourrait saisir le juge sans que la prescription de son délai à agir ne puisse lui être opposé, mais pour une durée qui ne pourrait pas excéder les trois ans applicables aux créances de nature salariale.

 

Place désormais à la réponse des pouvoirs publics certainement dans les mois à venir afin de clarifier la gestion des congés payés en cas d’arrêt de travail.

 

 

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Le Département Social du cabinet Péchenard & Associés répond à toutes vos questions sur l’acquisition des congés payés et se tient à votre disposition pour échanger sur l’impact des arrêts de la Cour de cassation du 13 septembre 2023 et de la décision du Conseil Constitutionnel du 8 février 2024, tant au titre de son activité de conseil que dans le cadre de contentieux en cours ou à venir.

 

 

Pour toute information, contactez Julie De Oliveira (deoliveira@pechenard.com).