L’employeur peut enfin conclure une rupture conventionnelle avec un salarié déclaré inapte suite à un AT

Par Julie De Oliveira et Sophie Duminil

Par un arrêt publié au Bulletin du 9 mai dernier (n° 17-28767), la chambre sociale de la Cour de cassation a renversé le dernier bastion des cas de figure dans lesquels une rupture conventionnelle ne pouvait pas être conclue.

 

Elle se prononce, en effet, pour la première fois, sur l’hypothèse d’une salariée déclarée inapte par le médecin du travail, suite à un accident du travail.

 

La Cour admet ainsi que « sauf cas de fraude ou de vice du consentement, non allégué en l’espèce, une convention de rupture [peut] être valablement conclue par un salarié déclaré inapte à son poste à la suite d’un accident du travail ».

 

La salariée invoquait l’argument classiquement retenu par la jurisprudence selon lequel une rupture conventionnelle ne peut être signée en cas d’inaptitude car cela aurait pour effet d’écarter le régime juridique protecteur et les obligations spécifiques mises à la charge de l’employeur en matière d’inaptitude (recherches de reclassement, reprise du versement du salaire à l’issue du délai d’un mois en l’absence de reclassement ou de licenciement, etc.).

 

La Cour n’a pas retenu cette thèse.

 

Cet arrêt s’inscrit dans la lignée des décisions passées de la chambre sociale ayant validé le principe de la conclusion d’une rupture conventionnelle pendant la suspension du contrat de travail d’un salarié suite à un accident du travail ou une maladie professionnelle, pendant le congé maternité d’une salariée ou encore dans un contexte de harcèlement moral.

 

Seule la preuve par le salarié d’une fraude ou d’un vice du consentement est à même de remettre en cause la validité de la rupture conventionnelle ainsi conclue.

 

Cela n’était pas le cas en l’espèce, la cour d’appel ayant relevé que la rupture conventionnelle avait été signée après deux examens effectués par le médecin du travail et que la salariée avait bien disposé d’un délai de réflexion de 15 jours, outre l’homologation accordée par l’autorité administrative.

 

A notre sens, en pareille hypothèse, il parait préférable pour l’employeur de se ménager la preuve de l’information faite au salarié sur ses droits en matière de licenciement pour inaptitude professionnelle, et notamment du fait qu’il pourrait sur le principe bénéficier d’indemnités de rupture plus favorables (indemnité spéciale de licenciement correspondant au double de l’indemnité légale et indemnité compensatrice de préavis) qu’avec une simple rupture conventionnelle (indemnité légale ou conventionnelle de licenciement uniquement) pour écarter tout argument relatif à une manœuvre dolosive générant un vice du consentement.

 

Mais en pratique, une telle précaution peut s’avérer difficile à obtenir. Il est alors recommandé de rédiger une convention de rupture sécurisée pour les parties, au-delà du formulaire Cerfa.

 

Cass. Soc. 9 mai 2019, n° 17-28767.