Les règles de prescription en matière sociale : on fait le point !

Par Julie De Oliveira et Marie Camel

Pour être recevable, une action en justice doit être exercée dans le respect des délais de prescription prévus par la loi.

 

En matière sociale, ces délais varient selon l’objet de l’action.

 

Ils ont fait l’objet de plusieurs réformes ces dernières années. Tout d’abord, la loi n°2008-561 du 17 juin 2008 a uniformisé les délais à 5 ans contre 30 ans pour certains d’entre eux. Ensuite, la loi n°2013-504 du 14 juin 2013 a de nouveau réduit les délais en les fixant notamment à 2 ans s’agissant des actions portant sur l’exécution ou la rupture du contrat de travail. En dernier lieu, depuis l’ordonnance n° 2017-1387 du 22 septembre 2017 les actions portant sur la rupture du contrat de travail qui se prescrivent désormais par 12 mois.

 

La jurisprudence est intervenue ponctuellement pour apporter son éclairage sur l’ensemble de ces délais et sur leur point de départ.

 

Nous faisons le point sur les délais de prescription applicables devant la juridiction prud’homale s’agissant des actions spécifiques à l’exécution du contrat de travail (I), à la rupture du contrat de travail (II) et aux contrats précaires (III).

 

I) Délais de prescription des actions portant sur l’exécution du contrat de travail

 

En vertu de l’article L. 1471-1 du Code du travail, toute action portant sur l’exécution du contrat de travail se prescrit par deux ans à compter du jour où celui qui l’exerce a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l’exercer.

 

Le dernier alinéa de ce texte indique que, par exception, ce délai de deux ans ne s’applique pas aux actions suivantes :

 

  • Action en réparation d’un dommage corporel causé à l’occasion de l’exécution du contrat de travail

 

Cette action se prescrit par dix ans à compter de la date de la consolidation du dommage initial ou aggravé (C. civ., art. 1226).

 

  • Action en paiement ou en répétition du salaire

 

Cette action se prescrit par trois ans à compter de la date d’exigibilité du salaire. La demande peut porter sur les sommes dues au titre des trois dernières années ou, lorsque le contrat de travail a pris fin, sur les sommes dues au titre des trois années précédant la rupture (C. trav., art. L. 3245-1).

 

  • Action en réparation du préjudice causé par une discrimination

 

Cette action se prescrit par cinq ans à compter de la révélation de la discrimination.

 

Les dommages et intérêts octroyés à ce titre doivent réparer l’entier préjudice résultant de la discrimination, pendant toute sa durée, quand bien même cela nécessiterait de remonter sur plus de cinq ans (C. trav., art. L. 1134-5).

 

  • Action en réparation du préjudice causé par un harcèlement moral ou sexuel

 

En raison de l’exclusion expresse du champ de la prescription biennale prévue par l’article L. 1471-1 du Code du travail, les actions en réparation du préjudice causé par des faits de harcèlement moral ou sexuel relèvent du délai de prescription de droit commun de cinq ans (C.civ., art.1224).

 

Ce délai commence à courir à compter du dernier acte de harcèlement commis. Par un arrêt du 9 juin 2021, la Cour de cassation a précisé que dans l’hypothèse où le salarié victime de harcèlement a été licencié, le délai commence à courir à compter du licenciement, lequel est considéré comme le dernier acte constitutif du harcèlement. Par ailleurs, dès lors que l’action a été introduite dans le délai imparti, le juge prend en compte l’ensemble des agissements invoqués au titre du harcèlement, quelle que soit la date de leur commission (Cass. soc., 9 juin 2021, n°19-21.931).

 

 

II) Délais de prescription des actions portant sur la rupture du contrat de travail

 

En vertu de l’article L. 1471-1 du Code du travail, toute action portant sur la rupture du contrat de travail se prescrit par douze mois à compter de la notification de celle-ci.

 

Ce délai s’applique, que la rupture du contrat soit à l’initiative de l’employeur (licenciement) ou du salarié (démission, prise d’acte).

 

Deux particularités concernant le point de départ de ce délai sont à noter :

 

  • Lorsque le contrat de travail prend fin dans le cadre d’une rupture conventionnelle, le délai de douze mois commence à courir à compter de la date d’homologation de la convention ( trav., art. L. 1237-14) ;
  • Lorsque, dans le cadre d’une procédure de licenciement pour motif économique, le salarié adhère au contrat de sécurisation professionnelle (CSP) qui lui est proposé, le délai de prescription pour contester la rupture du contrat de travail court à compter du jour de son adhésion au CSP ( trav., art. L. 1233-67).

 

Enfin, par exception, s’agissant de l’action en contestation du reçu pour solde de tout compte, le délai de prescription est de six mois suivant la signature du reçu par le salarié (C. trav., art. L. 1234-20).

 

 

III) Délais de prescription des actions en requalification d’un CDD ou d’un contrat de mission

 

  • Délai applicable

 

La Cour de cassation a considéré que l’action en requalification d’un ou plusieurs CDD en CDI portait sur l’exécution du contrat de travail et que, par conséquent, elle était soumise à la prescription de deux ans (Cass. soc., 29 janv. 2020, n°18-15.359).

 

Récemment, la Haute Juridiction a transposé cette solution à l’action en requalification d’un contrat de mission en CDI en la soumettant également à la prescription biennale (Cass. Soc., 30 juin 2021, n°19-16.655).

 

  • Point de départ

 

Selon une jurisprudence désormais fournie, le point de départ du délai de prescription dans le cadre d’une action en requalification en CDI varie selon l’irrégularité soulevée à l’appui de la demande.

 

Ainsi, il a été jugé que le délai de prescription de l’action en requalification fondée sur le non-respect du formalisme requis (en l’espèce l’absence d’une mention obligatoire) court à compter de la date de conclusion du contrat (Cass. soc., 3 mai 2018, n°16-26.437).

 

En revanche, lorsque l’action est fondée sur le motif de recours au CDD, c’est le terme du contrat qui constitue le point de départ ou, en cas de succession de CDD, le terme du dernier contrat (Cass. soc., 29 janv. 2020, n°18-15.359). Cette solution a été récemment transposée à la requalification en CDI d’un contrat de mission d’intérim (Cass. soc., 30 juin 2021, n°19-16.655).

 

Enfin, l’action en requalification fondée sur le non-respect du délai de carence entre deux CDD successifs est soumise à un délai de prescription qui court à compter du premier jour d’exécution du second contrat (Cass. soc., 5 mai 2021, n°19-14.295).

 

 

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Le Département Social du cabinet Péchenard & Associés répond à toutes vos questions sur les délais de prescription et plus largement se tient à votre disposition pour toute action prud’homale que vous souhaiteriez engager.

 

 

Pour toute information, contactez Julie De Oliveira (deoliveira@pechenard.com).