L’état de santé du salarié : un cas de force majeure suspendant le délai de contestation du licenciement

Par Julie De Oliveira et Laëtitia Garcia

La Cour de cassation accepte désormais de considérer l’état de santé du salarié comme un cas de force majeure lui permettant de contester son licenciement au-delà du délai d’un an (Cass. Soc., 25 janvier 2023, n°21-17791)

 

Pour mémoire, selon l’article L. 1471-1 du Code du travail, l’action en contestation d’un licenciement est ouverte durant un délai de douze mois à compter de la rupture du contrat de travail.

 

Dans l’affaire commentée, la salariée avait contesté son licenciement intervenu le 2 novembre 2015 plus de deux ans après sa notification. Elle invoquait un cas de force majeure et de ce fait conformément à l’article 2234 du Code civil se prévalait de la suspension du délai de prescription. Elle expliquait avoir été victime de « troubles anxiodépressifs » l’empêchant d’entamer les démarches auprès du Conseil de prud’hommes en contestation de son licenciement.

 

L’employeur contestait la caractérisation d’un cas de force majeure en démontrant notamment que la salariée avait bien accompli d’autres démarches administratives postérieurement à son licenciement en contestant notamment la décision de refus de prise en charge de son accident du travail.

 

Par un arrêt du 25 janvier 2023, en dépit de cette constatation, la chambre sociale de la Cour de cassation a donné raison à la salariée considérant que « par des certificats médicaux, (…) à la suite de son hospitalisation en juillet 2015 et durant les trois années qui ont suivi, la salariée présentait d’importants troubles antidépressifs s’accompagnant de crises de panique incessantes, l’empêchant de mener à bien toute démarche tant personnelle que sociale et administrative notamment la gestion de son dossier prud’homal et que son état s’était aggravé à compter de février 2016, rendant ainsi la recherche invoquée (…) et caractérisant la force majeure ».

 

Quelle portée aura cette décision ?

 

La question reste entière.

 

Comment les juridictions vont-elles apprécier l’étendue et la gravité des pathologies et des situations qui leur seront présentées par les salariés pour, le cas échéant, écarter le délai de prescription d’un an sur le fondement de la force majeure ?

 

Le contrôle des juges du fond risque de ne pas être toujours évident, en fonction des faits de l’espèce.

 

Cet arrêt inédit devrait être le premier d’une longue série puisqu’il fait peu de doute que les salariés vont tenter de mettre en avant ce nouvel argument pour se soustraire au délai de contestation d’un an de leur licenciement.

 

Les juridictions prud’homales vont donc être amenées à définir des critères ou des seuils en termes de nature et de durée des pathologies pour retenir ou exclure la force majeure.

 

La sécurité juridique pourrait être remise en cause et bousculer quelque peu les employeurs…

 

 

 

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Le Département Social du cabinet Péchenard & Associés répond à toutes vos questions sur les délais de prescription et plus largement se tient à votre disposition pour toute action prud’homale que vous souhaiteriez engager ou à laquelle vous devez faire face comme défendeur.

 

 

Pour toute information, contactez Julie De Oliveira (deoliveira@pechenard.com).