Lettre de licenciement : Le droit à précision sur les motifs de rupture n’est pas une mention obligatoire

Par Julie De Oliveira et Sonia Laouer

Dans une décision récente (Cass soc, 29 juin 2022, n°20-22.220), la Cour de cassation a jugé que le droit du salarié de demander à l’employeur des précisions sur les motifs énoncés dans la lettre de rupture ne fait pas partie des mentions obligatoires que doit contenir la lettre de licenciement.

 

Dans cette affaire, une salariée avait été licenciée pour faute grave en raison de faits de harcèlement moral et avait saisi la juridiction prud’homale pour contester le bien-fondé de son licenciement et en solliciter la nullité.

 

A l’appui de ses demandes, elle faisait valoir qu’elle n’avait pas été informée par l’employeur de la possibilité qui lui était donnée de lui demander des précisions sur les motifs du licenciement dans le délai de 15 jours suivant sa notification et arguait du fait que le courrier de licenciement était insuffisamment motivé.

 

La salariée avait été déboutée en appel au motif que la lettre de licenciement était suffisamment motivée et le licenciement parfaitement justifié.

 

La salariée s’était pourvue en cassation considérant qu’il incombait à l’employeur de préciser dans le courrier de licenciement la faculté de lui demander d’apporter des précisions sur les motifs de la rupture.

 

La question posée à la Cour de cassation était donc la suivante : cette faculté doit-elle figurer impérativement dans la lettre de notification de licenciement ?

 

La Cour de cassation fait une application stricte des dispositions légales et répond par la négative, approuvant la position des juges du fond.

 

Elle relève qu’aucune disposition n’impose à l’employeur d’informer le salarié de son droit de demander que les motifs de licenciement soient précisés, ce d’autant que le motif du licenciement visé en l’espèce était précis et matériellement vérifiable, de sorte que le courrier de notification répondait à l’exigence légale de motivation.

 

Cette solution est favorable et protectrice pour l’employeur en ce que la Haute Juridiction refuse de mettre à sa charge une obligation supplémentaire.

 

Cet arrêt est l’occasion de rappeler les contours de la procédure de précision des motifs (i) et les enjeux liés à sa mise en œuvre (ii).

 

(i) Règles applicables à la procédure de précision sur les motifs de licenciement

 

L’ordonnance n°2017-1387 du 22 septembre 2017 a introduit la possibilité pour l’employeur de préciser les motifs du licenciement postérieurement à sa notification, soit de sa propre initiative, soit à la demande du salarié.

 

Cette faculté est prévue à l’article L 1235-2 du code du travail et ses modalités de mise en œuvre sont précisées aux articles R 1232-13 et R 1233-2-2 du code du travail.

 

Ce dispositif vise aussi bien le licenciement pour motif personnel que le licenciement pour motif économique.

 

Les motifs énoncés dans la lettre de licenciement peuvent être précisés par l’employeur, de sa propre initiative, par lettre recommandée avec avis de réception ou par lettre remise contre récépissé, dans un délai de 15 jours suivant la notification du licenciement.

 

Le salarié dispose du même délai pour formuler la même demande auprès de l’employeur. Ce dernier a alors 15 jours pour apporter des précisions, s’il le souhaite et n’est pas tenu de répondre à cette demande s’il considère que les motifs énoncés dans la lettre de licenciement sont suffisamment précis.

 

 

(ii) Enjeux de la mise en œuvre de la procédure de précision des motifs de licenciement

 

Avant l’ordonnance n°2017-1387 du 22 septembre 2017, et selon la jurisprudence antérieure, un motif de licenciement imprécis équivalait à une absence de motif et rendait nécessairement le licenciement sans cause réelle et sérieuse.

 

L’ordonnance précitée et l’introduction de l’article L 1235-2 du code du travail prévoyant la procédure de demande de précision des motifs a mis fin à cette position.

 

Désormais, si le salarié ne formule pas de demande de précision des motifs auprès de l’employeur, l’insuffisance de motivation de la lettre de licenciement qu’il pourrait revendiquer dans le cadre d’un contentieux et qui pourrait être constatée par le juge est une irrégularité qui n’ouvrira droit qu’à une indemnité ne pouvant excéder un mois de salaire et ne privera pas, à elle seule, le licenciement de cause réelle et sérieuse (article L 1235-2 al 3).

 

L’absence de cause réelle et sérieuse fondée sur l’imprécision des motifs figurant dans la lettre de licenciement sera donc automatiquement écartée par le juge si le salarié n’a pas usé de la faculté qui lui était offerte de demander des précisions sur les motifs de licenciement.

 

L’absence de mise en œuvre de cette procédure présente donc un enjeu important pour le salarié dans le cadre d’un contentieux.

 

L’employeur peut également avoir un intérêt à actionner cette procédure de sa propre initiative, s’il estime ne pas avoir suffisamment motivé le courrier de licenciement. Il disposera d’un délai de 15 jours à compter de la notification du licenciement pour apporter les précisions utiles et ainsi limiter le risque de contestation du bien-fondé du licenciement.

 

 

Cass soc, 29 juin 2022 n°20-22.220.

 

 

Pour toute information, contactez Julie De Oliveira (deoliveira@pechenard.com).