Liquidation judiciaire et résolution de plein droit du bail commercial

Par Nicolas Sidier et Aurélie Pouliguen-Mandrin

Par un arrêt du 9 octobre 2019 appelé à la plus large publication, la Cour de Cassation a mis fin à une longue incertitude sur le formalisme que le bailleur devait respecter lorsqu’il souhaitait obtenir la résiliation d’un bail commercial en cas de liquidation judiciaire du preneur. [1]

 

Cette décision constitue une clarification attendue par la doctrine et les praticiens.

 

Dans le cas d’espèce, une société à laquelle avait été consenti un bail commercial avait finalement fait l’objet d’une procédure de liquidation judiciaire à la suite de laquelle le bailleur n’avait plus perçu aucun loyer.

 

Sans avoir délivré préalablement de commandement visant la clause résolutoire du bail et sans se prévaloir du bénéfice de ladite clause, le bailleur avait sollicité du juge-commissaire qu’il ordonne la résiliation de plein droit du bail pour défaut de paiement des sommes afférentes à l’occupation des locaux pour la période postérieure à l’ouverture de la liquidation judiciaire.

 

La possible disparition du bail présentait un enjeu important dans la mesure où, parallèlement, le liquidateur judiciaire avait organisé la cession du fonds de commerce de la société débitrice auquel était naturellement inclus le droit au bail.

 

La Cour de Cassation énonce très clairement que le bailleur, qui agissait devant le juge-commissaire pour lui demander la constatation de la résiliation de plein droit du bail, sans revendiquer le bénéfice d’une clause résolutoire, n’était pas dans l’obligation de délivrer préalablement le commandement exigé par l’article L.145-41 du Code de commerce.

 

Le bailleur dispose donc d’une option qui lui permet d’agir :

 

– soit sur le terrain du droit des baux commerciaux, via la délivrance d’un commandement suivi si nécessaire d’une action en justice devant le juge des référés afin d’obtenir que soient constatés les effets de la clause résolutoire.

 

– soit sur le terrain spécifique des procédures collectives via la saisine du juge commissaire.

 

A l’heure de la justice prédictive, tout est affaire d’appréciation des délais.

 

Le droit des baux oblige à attendre un terme impayé, l’expiration du délai d’un mois visé au commandement, le temps d’assigner en référé et celui d’obtenir une décision.

 

Le droit des procédures collectives oblige à attendre l’expiration d’un délai de trois mois à compter du jugement d’ouverture, le temps de saisir le juge commissaire et celui d’obtenir une décision.

 

La solution peut s’éclaircir avec le concours des organes de la procédure si ceux-ci ne souhaitent pas aggraver inutilement le passif. Mais cela sera rarement le cas puisque ces hypothèses, généralement synonymes de difficultés excluant la continuité de l’entreprise, conduisent souvent à conserver le droit au bail le plus longtemps possible pour l’inclure dans une cession de fonds.

 

 

[1] Com. 9 octobre 2019, n°18-17563, FS-P+B+I