L’ordonnance n° 2020-389 du 1er avril 2020 portant mesures d’urgences relatives aux instances représentatives du personnel

Par Emmanuelle Sapène et Laëtitia Garcia

Cette ordonnance du 1er avril 2020 prise en application de l’article 11 de la loi du 23 mars 2020 d’urgence pour faire face à l’épidémie de covid-19 détermine les conditions dans lesquelles sont suspendus les processus électoraux en cours dans les entreprises, ainsi que les conditions de leur reprise et les mesures sur le statut et la protection des représentants du personnel pendant la période de mise en œuvre différée des processus électoraux.

 

Ce texte adapte également les conditions d’information et de consultation des instances représentatives du personnel.

 

Le principe de la suspension du processus électoral

 

L’article 1 de l’ordonnance du 1er avril 2020 pose le principe selon lequel tout processus électoral engagé avant la publication de l’ordonnance et en cours, à la date du 12 mars 2020, est suspendu. Cette suspension prendra fin 3 mois après que soit décrétée la date de cessation de l’état d’urgence sanitaire.

 

Les délais affectés par la suspension du processus électoral

 

Cette suspension affecte les délais impartis à l’employeur pour :

 

  • Informer le personnel de l’organisation des élections et, en particulier, de la date envisagée pour le premier tour.
  • Informer et inviter les organisations syndicales à négocier le protocole d’accord préélectoral.
  • Engager le processus électoral, en l’absence de CSE, à la demande d’un salarié ou d’une organisation syndicale.
  • Transmettre, après la proclamation des résultats, une copie des procès-verbaux aux organisations syndicales de salariés qui ont présenté des listes de candidats aux scrutins concernés ainsi qu’à celles ayant participé à la négociation du protocole d’accord préélectoral.

 

L’ordonnance prévoit également la suspension des délais dans lesquels l’autorité administrative et le juge judiciaire doivent être saisis d’éventuelles contestations portant sur :

 

 

  • La décision de l’employeur concernant la détermination du nombre et du périmètre des établissements distincts.
  • Les voies de recours contre la décision de la Direccte amenée à statuer sur cette décision de l’employeur.
  • La répartition du personnel dans les collèges électoraux et la répartition des sièges entre les différentes catégories de personnel.

 

Lorsque l’autorité administrative a été saisie après le 12 mars 2020, le délai dont elle dispose pour se prononcer commence à courir à la date de fin de la suspension du processus électoral.

 

Si elle s’est prononcée après le 12 mars 2020, le délai de recours contre sa décision commence également à courir à la date de fin de la suspension du processus électoral.

 

Les délais dont dispose l’autorité administrative pour se prononcer sur la décision de l’employeur concernant la détermination du nombre et du périmètre des établissements distincts sont également suspendus dans les mêmes conditions.

 

Il est également prévu que lorsqu’elle intervient entre la date du premier tour et la date du second tour des élections professionnelles, la suspension du processus électoral en raison de la crise sanitaire n’a pas d’incidence sur la régularité du premier tour.

 

Cette suspension n’a pas non plus d’incidence sur la régularité du premier ou du second tour des élections professionnelles, lorsque ceux-ci se sont déroulés entre le 12 mars 2020 et le 2 avril 2020.

 

L’engagement du processus électoral

 

L’article 2 de l’ordonnance prévoit que si avant la date d’entrée en vigueur de l’ordonnance ou entre cette date et la fin de l’état de cessation de l’état d’urgence sanitaire, l’employeur était dans l’obligation d’engager le processus électoral, celle-ci s’imposera à lui au terme du délai de 3 mois.

 

L’ordonnance vise les processus électoraux liés à l’atteinte de l’effectif d’au moins 11 salariés, les élections partielles et les demandes formulées par un salarié ou une organisation syndicale d’organiser, en l’absence de CSE, des élections professionnelles.

 

Les élections partielles

 

Lorsque le mandat des membres du CSE expire moins de 6 mois après la date de fin de la suspension du processus électoral, il n’y a pas lieu d’organiser des élections partielles, que le processus électoral ait été engagé ou non avant la suspension.

 

Les mesures impactant le mandat des représentants du personnel

 

Lorsqu’en raison de la suspension ou du report du processus électoral, les mandats en cours à la date du 12 mars 2020 des représentants élus des salariés n’ont pas été renouvelés, ces mandats sont prorogés jusqu’à la proclamation des résultats du premier ou, le cas échéant, du second tour des élections professionnelles.

 

La protection contre les licenciements est applicable aux mandats pour toute la durée de la prorogation. La protection contre les licenciements applicable aux candidats aux élections du CSE est prorogée jusqu’à la proclamation des résultats du premier tour ou, le cas échéant, du second tour des élections lorsque le délai de 6 mois a expiré avant la date du 1er tour.

 

La tenue des réunions du CSE

 

Jusqu’à présent, il était possible de réunir le CSE par visioconférence à trois reprises dans l’année, sauf accord plus favorable. L’ordonnance du 1er avril 2020 autorise, par dérogation, le recours à la visioconférence pour l’ensemble des réunions du CSE et du CSE central, après que l’employeur en ait informé ses membres.

 

Le texte autorise le recours à la conférence téléphonique pour l’ensemble des réunions des instances représentatives du personnel, toujours après que l’employeur en ait informé leurs membres. Un décret précisera les conditions de déroulement des réunions en conférence téléphonique.

 

Il en va de même pour la messagerie instantanée (type whatsApp) qui peut donc servir à tenir des réunions pour le CSE, toujours après information de ses membres, mais seulement lorsqu’il s’avère impossible d’utiliser la visioconférence ou la conférence téléphonique. Un accord d’entreprise pourra également prévoir la réunion par messagerie instantanée. Là aussi, un décret précisera les conditions de déroulement d’une telle réunion.

 

Il est prévu que ces aménagements dérogatoires apportés à la tenue des réunions des instances représentatives du personnel sont applicables aux réunions qui ont été convoquées pendant la période de l’état d’urgence sanitaire.

 

Information consultation du CSE pour l’utilisation des RTT et sur les dérogations à la durée du travail

 

Enfin, l’article 7 de l’ordonnance complète les articles 5, 6 et 7 de l’ordonnance n° 2020-323 du 25 mars 2020 relatives aux RTT, jours en CET que peut imposer unilatéralement l’employeur et aux dérogations sur la durée du travail dans certains secteurs d’activité indispensables à la Nation.

 

L’employeur doit en informer sans délai le CSE et par tout moyen. Mais l’avis du CSE peut être rendu dans le délai d’un mois suivant cette information et après que l’employeur ait fait l’usage de cette faculté.