Loyers commerciaux et COVID-19 : La Cour de cassation refuse de prendre position

Par Aurélie Pouliguen-Mandrin et Esther Guillen

Le 9 juillet 2021, la Cour de cassation a reçu une demande d’avis formée par le tribunal judiciaire de Chartres concernant l’exigibilité des loyers commerciaux appelés aux preneurs touchés par la fermeture administrative de leurs locaux, ordonnée par les décrets pris pour lutter contre la propagation de l’épidémie de COVID-19.

 

Le tribunal avait demandé à la Cour de Cassation de prendre position sur les arguments usuellement soulevés depuis près d’un an et demi sur cette question, soit l’exception d’inexécution, la force majeure et la perte de la chose louée.

 

L’intérêt et l’opportunité de cette démarche pouvaient être soulevés compte tenu de l’important contentieux qui existe en cette matière et de la discordance manifeste régnant au sein des juridictions françaises, qui se révèle par une proportion quasi-égalitaire de décisions rendues tant en faveur des bailleurs (48%) que des preneurs (52%)[1].

 

L’apport d’une interprétation de la Cour de cassation semblait impératif.

 

La Haute juridiction en a toutefois décidé autrement puisqu’à la faveur de l’extinction de l’instance originelle, elle a considéré, le 6 octobre dernier, qu’il n’y avait pas lieu à avis[2].

 

Si cette position fait preuve de bon sens à l’échelle de l’action originelle, elle n’en reste pas moins surprenante puisqu’aucun fondement juridique n’impose le dessaisissement de la Cour à la suite de l’extinction de l’instance initiatrice de la saisine pour avis. Les trois questions formulées par le tribunal judiciaire de Chartres présentaient d’ailleurs tous les critères de recevabilité exigés par les articles L. 441-1 du code de l’organisation judiciaire et 1031-1 du code de procédure civile.

 

Alors que l’intérêt de saisir pour avis la Cour de cassation est de réduire les ambiguïtés juridiques, la Haute juridiction s’est volontairement abstenue d’aiguiller les juges du fonds sur les moyens juridiques recevables en la matière et n’a pas su ou voulu répondre à l’urgence de la situation.

 

La question du sort du bail commercial et de l’exigibilité des loyers pendant les périodes d’interdiction de réception du public reste donc en suspens alors que la situation sanitaire et ses enjeux économiques justifiaient pourtant qu’il soit mis fin à l’incertitude jurisprudentielle actuelle.

 

 

 

[1] P. JACQUOT, J. MARTINEZ, Les loyers Covid (MAJ n°4), Cabinet Fidal,12 octobre 2021

[2]  Avis du 6 octobre 2021, n°K 21-70.013

 

 

Pour toute information, contactez Aurélie Pouliguen-Mandrin (pouliguen@pechenard.com)