La mise en place du comité social et économique : focus sur les mesures transitoires

Par Julie De Oliveira et Annie Etienne

L’ordonnance n° 2017-1386 du 22 septembre 2017 modifie la représentation du personnel dans l’entreprise en prévoyant le remplacement des institutions existantes, à savoir les délégués du personnel (DP), le comité d’entreprise (CE) et le comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT), par le comité social et économique (CSE) qui deviendra obligatoire au plus tard le 1er janvier 2020.

 

Le CSE est mis en place dans les entreprises d’au moins 11 salariés dès lors que cet effectif est atteint pendant 12 mois consécutifs (C. trav. art. L. 2311-2). Il s’agit d’une nouveauté puisqu’auparavant, le seuil des 11 salariés devait être atteint pendant au moins 12 mois, consécutifs ou non, au cours des trois dernières années.

 

Cette nouvelle règle de décompte moins contraignante permet à certaines entreprises de ne pas mettre en place d’institutions représentatives du personnel alors qu’elles auraient été tenues de le faire avec les dispositions antérieures.

 

Le CSE est mis en place au niveau de l’entreprise. Dans les entreprises comportant au moins deux établissements distincts, sont constitués des CSE d’établissement et un CSE central d’entreprise (CSEC).

 

La qualité d’établissement distinct est soumise à de nouvelles règles puisque le nombre et le périmètre des établissements distincts sont déterminés par un accord d’entreprise majoritaire conclu avec un délégué syndical ou, à défaut, par une décision unilatérale de l’employeur qui doit tenir compte de l’autonomie de gestion du responsable d’établissement, notamment en matière de gestion du personnel (C. trav. art. L. 2313-2 et s.).

 

Les anciens critères jurisprudentiels de l’établissement distinct qu’étaient une implantation géographique particulière et une stabilité dans le temps ont donc vocation à disparaître.

 

Le CSE peut également être mis en place au niveau d’une unité économique et sociale (UES) ou à un niveau interentreprises (C. trav. art. L. 2313-8 et L. 2313-9).

 

Le principe est que le CSE est mis en place dès publication des décrets d’application de l’ordonnance du 22 septembre 2017 dans les entreprises dépourvues d’IRP et au terme du mandat des IRP actuellement présents dans l’entreprise, c’est-à-dire au moment du renouvellement de l’une des institutions, et au plus tard le 31 décembre 2019.

 

Toutefois, il est prévu des mesures transitoires pour retarder, voire avancer la mise en place du CSE, lorsque les mandats arrivent à échéance entre le 23 septembre 2017 et le 31 décembre 2018 :

– Pour les mandats expirant entre le 23 septembre et le 31 décembre 2017, ils sont automatiquement prorogés jusqu’à la fin de cette année. Aucun formalisme n’est à prévoir.

– Pour les mandats expirant entre le 1er janvier et le 31 décembre 2018, il est possible de les réduire ou de les proroger pour une durée maximale d’un an par accord collectif ou par décision unilatérale de l’employeur après consultation du CE, à défaut des DP, ou de la DUP ou l’instance regroupée.

 

L’ordonnance n° 2017-1386 du 22 septembre 2017 n’oblige pas les employeurs à tenter de négocier un accord avec les organisations syndicales représentatives avant de prendre une décision unilatérale après consultation des IRP. Il s’agit d’une alternative (soit un accord collectif, soit une décision unilatérale).

 

Il reste que du point de vue du dialogue social, il est préférable de privilégier la signature d’un accord collectif et de n’envisager une décision unilatérale de l’employeur qu’en cas d’échec des négociations.

 

Concernant la validité de cet accord collectif, il semble que l’unanimité n’est plus requise et qu’il faille se référer aux dispositions de l’article L. 2232-12 du Code du travail qui précise les conditions de validité des accords collectifs.

 

L’accord collectif exigé par l’ordonnance doit ainsi être signé par des syndicats qui ont recueilli au moins 30 % des suffrages exprimés au premier tour des élections professionnelles des titulaires.

 

Toutefois, à compter du 1er mai 2018, pour être valide l’accord d’entreprise sur la prorogation (ou la réduction) des mandats devra être signé :

• par l’employeur et par un ou plusieurs syndicats ayant recueilli au moins 50 % des suffrages exprimés en faveur des organisations syndicales représentatives au premier tour des dernières élections professionnelles des titulaires au CE ou de la DUP ou, à défaut, des DP, quel que soit le nombre de votants.

• ou, à défaut (en cas d’accord signé par l’employeur et des OS représentatives ne dépassant pas le seuil de 50%), par un ou plusieurs syndicats ayant recueilli au moins 30 % des suffrages exprimés en faveur des organisations syndicales représentatives au premier tour des dernières élections professionnelles des titulaires au CE ou de la DUP ou, à défaut, des DP, quel que soit le nombre de votants et validé par référendum à la majorité des suffrages exprimés (C. trav. art. L. 2232-12).

 

La prorogation ou la réduction des mandats doit permettre de faire coïncider le terme des mandats des différentes IRP avec la date de mise en place du CSE et le cas échéant des CSE d’établissement et du CSEC.

– Pour les mandats expirant entre le 1er janvier et le 31 décembre 2019, l’ordonnance ne prévoit pas de prorogation ou de réduction possible des mandats. Il reste que la règle jurisprudentielle de prorogation des mandats par accord unanime entre l’employeur et les organisations syndicales peut continuer à s’appliquer, sous réserve que le CSE soit mis en place au plus tard le 1er janvier 2020.

– Pour les mandats expirant après le 31 décembre 2019, ils sont réduits de manière anticipée au 31 décembre 2019 et le CSE doit être mis en place au plus tard au 1er janvier 2020.

 

Les élections du CSE se déroulent dans les mêmes conditions que celles du CE. Le premier tour du scrutin doit se tenir au plus tard le 90ème jour suivant la diffusion du document informant les salariés de l’organisation des élections (C. trav. art. L. 2314-4).

 

L’employeur doit inviter par courrier ou par tout autre moyen les organisations syndicales à négocier le protocole d’accord préélectoral et à établir leurs listes de candidats, au plus tard 15 jours avant la date de la 1ère réunion de négociation.

 

Néanmoins, dans les entreprises dont l’effectif est compris entre 11 et 20 salariés, l’employeur doit inviter les organisations syndicales uniquement si un salarié s’est porté candidat dans un délai de 30 jours à compter de la date d’information de l’organisation des élections, car les carences de candidats sont fréquentes dans ce type d’entreprise (C. trav. art. L. 2314-5 applicable au 1er janvier 2018).

 

La durée des mandats des membres du CSE est en principe de 4 ans. Cette durée peut être réduite entre 2 et 4 ans par accord de branche, de groupe ou d’entreprise (C. trav. art. L. 2314-37).

 

Il est également prévu qu’un élu ne peut pas briguer plus de 3 mandats consécutifs sauf dispositions contraires du protocole d’accord préélectoral et sauf dans les entreprises de moins de 50 salariés dans des conditions fixée par décret. Cette limitation des mandats a pour vocation de permettre un renouveau de la représentation du personnel et de limiter les situations de blocage.

 

L’entrée en vigueur de l’ensemble des règles précitées est subordonnée à la publication des décrets d’application qui sont attendus pour la fin de l’année et interviendra au plus tard le 1er janvier 2018.

 

Des précisions sur le nouveau régime de la représentation du personnel dans l’entreprise sont donc à venir et mériteront une nouvelle analyse de notre part.