Quelles sont les règles de prise en charge des coûts liés au télétravail ?

Par Julie De Oliveira et Camille Fournier

Le télétravail, devenu la « norme » actuelle du fait la crise sanitaire liée à la Covid-19, était jusqu’à récemment peu encadré par les textes[1].

 

Parmi les questions pratiques que suscite cette organisation du travail figure la prise en charge des coûts par l’employeur.

 

Ce dernier doit assumer les coûts liés à l’installation du matériel et l’utilisation des locaux mais aussi ceux inhérents à la détérioration des équipements utilisés par le télétravailleur.

 

Cette problématique recouvre des pratiques variées.

 

Voici en synthèse les différentes modalités de prise en charge des coûts liés au télétravail.

 

  • Fourniture des équipements de télétravail par l’employeur : attention à la requalification en avantage en nature (option 1)

 

Lorsque l’employeur met à disposition gratuitement les outils NTIC nécessaires au télétravail et que ces derniers sont uniquement destinés à un usage professionnel, ils ne constituent pas un avantage en nature.

 

L’URSSAF tolère une utilisation « raisonnable » de ces outils (appel de courte durée, brève consultation internet) pour les besoins ordinaires de la vie quotidienne[2].

 

En revanche, la mise à disposition permanente de ces outils pour un usage professionnel et privé constitue un avantage en nature soumis à cotisations sociales. L’évaluation peut être réalisée sur une base réelle en fonction des factures, ou calculée sur la base forfaitaire de 10% du coût annuel de l’abonnement TTC et /ou à hauteur de 10% du coût d’achat TTC[3].

 

Si la convention collective prévoit une évaluation inférieure du coût de la mise à disposition des outils, celle-ci ne peut être retenue pour déterminer l’assiette des cotisations.

 

  • Indemnisation des frais professionnels du télétravailleur : versement d’une allocation forfaitaire (option 2)

 

L’allocation forfaitaire est exonérée de cotisations et contributions sociales sous réserve que l’employeur justifie d’une utilisation conforme à son objet.

 

L’URSSAF a fixé un plafond en dessous duquel l’allocation est présumée être utilisée conformément à son objet, dans la limite globale de 10 € par jour de télétravail.

 

Dans une actualité du 29 janvier 2021, sur son site internet, l’URSSAF a précisé qu’une allocation forfaitaire plus élevée, prévue par accord de branche, accord professionnel ou interprofessionnel ou accord de groupe, sera réputée utilisée conformément à son objet, dès lors qu’elle est déterminée en fonction du nombre de jours effectivement télétravaillés.

 

Etonnamment, la même tolérance n’est pas appliquée aux accords d’entreprise. En conséquence, l’employeur qui, dans le cadre d’un tel accord, prévoit une allocation supérieure à 10 € par jour, devra justifier de l’utilisation conforme à l’objet de l’allocation en produisant les justificatifs utiles en cas de contrôle.

 

  • Indemnisation des frais professionnels du télétravailleur : remboursement sur justificatifs (option 3)

 

Une telle prise en charge peut concerner l’ensemble des frais liés au télétravail ou la seule part excédant le montant de l’allocation forfaitaire.

 

En tout état de cause, en cas de contrôle par l’URSSAF, l’employeur doit pouvoir fournir les justificatifs des frais engagés par le télétravailleur pour bénéficier des exonérations de cotisations et contributions sociales déplafonnées[4].

 

  • Indemnité d’occupation du domicile privé à des fins professionnelles

 

Si aucun local permettant de travailler et stocker les outils de travail n’est mis à disposition du salarié, ce dernier a droit à une indemnité spéciale pour la sujétion de son domicile, qui s’ajoute au remboursement des frais professionnels[5].

 

L’indemnité d’occupation du domicile privé est soumise à cotisations et contributions sociales ; elle figure donc sur le bulletin de paie. Mais il est recommandé par ailleurs de fixer le montant de cette indemnité dans un écrit signé par le télétravailleur.

 

L’évaluation de l’indemnité est réalisée en fonction de l’espace occupé au domicile par les équipements professionnels et selon que ceux-ci s’y trouvent en permanence ou non.

 

Le montant de l’indemnité est identique, que le salarié soit à temps partiel ou à temps plein[6].

 

Un débat doctrinal sur le caractère obligatoire (ou non) du versement de cette indemnité est né à l’occasion du premier confinement de 2020 dans le cadre de l’état d’urgence sanitaire lié à la Covid-19, pendant lequel les entreprises ont dû instaurer – parfois pour la première fois – le télétravail pour les salariés aux emplois éligibles.

 

L’ANI du 26 novembre 2020[7] précise que la prise en charge des frais professionnels et des équipements de travail s’applique également aux situations de télétravail en cas de circonstances exceptionnelles ou de force majeure, sans toutefois mentionner l’indemnité de sujétion du domicile privé.

 

Un raisonnement par analogie pourrait conduire au versement de cette indemnité.

 

Néanmoins, dans la mesure où, dans ce contexte, le télétravail ne résulte pas de la seule volonté de l’employeur, il peut également être défendu que l’indemnité d’occupation n’est pas due.

 

Pour l’heure, la question n’a pas encore été tranchée en justice.

 

  • Titres restaurants pour les télétravailleurs

 

Les textes relatifs à l’attribution des titres restaurants n’excluent pas les télétravailleurs. Ils imposent seulement que le salarié prenne son repas pendant son horaire de travail, peu importe qu’il soit ou non au sein de l’entreprise[8].

 

Dès lors, en l’absence d’accord ou de décision unilatérale de l’employeur fixant des critères objectifs d’octroi de ces titres[9], ils doivent être accordés à l’ensemble des salariés dont les télétravailleurs, sous peine d’inégalité de traitement.

 

  • Prise en charge des frais de transport en commun pour les télétravailleurs

 

Si le salarié effectue un ou deux jours de télétravail par semaine, l’employeur doit continuer de s’acquitter de 50% du coût du trajet en transport en commun public[10].

 

En revanche, lorsque le salarié est placé en télétravail de manière continue, sur une semaine voire un mois, l’employeur peut proratiser ou cesser cette prise en charge[11].

 

 

Pour toute information, contactez Julie De Oliveira (deoliveira@pechenard.com)

 

 

[1] C.trav. L.1222-9 à L.1222-11 ; Accord National Interprofessionnel du 19 juillet 2005 et Accord National Interprofessionnel du 26 novembre 2020

[2] Circ. DSS/SDFSS/5B n° 2003-07, 7 janv. 2003, § 2.2.4 : BO min. Emploi et Solidarité n° 03-04 ; Circ. DSS/DFSS/5B/N°2005/376, 4 août 2005

[3] Arr. 10 déc. 2002, NOR : SANS0224281A, art. 6 : JO, 27 déc. ; Circ. DSS/SDFSS/5B n° 2003-07, 7 janv. 2003, § 2.2.4 : BO min. Emploi et Solidarité n° 03-04

[4] Arr. 20 déc. 2002, NOR : SANS0224282A, art. 6 : JO, 27 déc. mod. par Arr. 25 juill. 2005, NOR SANS0522777A : JO, 6 août

[5] Cass. soc. 4 déc. 2013, n°12-19.667, 21 sept. 2016, n°15-11.144, 27 mars 2019, n°17-21.014

[6] Cass. soc. 8 nov. 2017, n°16-18.499

[7] Art. 7.4.1 et 3.1.5 de l’Accord National Interprofessionnel du 26 novembre 2020

[8] C.trav., L.3262-1 et R.3262-7

[9] Cass. soc. 22 janv. 1992, n°88-40.938

[10] C.trav., L.3261-2 et R.3261-2

[11] Question- Réponses du Ministère du travail, publié le 20 mars 2020