Le référendum d’entreprise : premières précisions de la Cour de cassation sur les modalités de mise en œuvre

Par Julie De Oliveira et Azeline Hubert

Le 22 septembre 2017, les Ordonnances Macron participaient au renforcement du dispositif de référendum au sein de l’entreprise et favorisaient à ce titre la tendance d’une démocratie participative.

 

Ce mécanisme permet de soumettre aux salariés par référendum un accord dit « minoritaire », c’est-à-dire un accord signé par une ou plusieurs organisations syndicales représentant plus de 30% mais moins de 50% des suffrages exprimés.

 

Dans un arrêt du 9 octobre 2019 (n°19-10.186), la Chambre sociale de la Cour de cassation a livré une première interprétation sur cet outil du dialogue social, publiée au Bulletin civil et au Bulletin d’information de la Cour.

 

La Cour y détermine, dans une entreprise pourvue d’un ou plusieurs délégués syndicaux, l’identité des salariés électeurs pouvant valider ces accords minoritaires. Elle reconnait par ailleurs la possibilité pour l’employeur de relayer, en cas de carence du syndicat, la notification de l’information de demande de consultation aux autres syndicats.

 

Dans cette affaire, un hôpital avait signé un accord d’établissement relatif à l’aménagement et la réduction du temps de travail avec un syndicat représentatif minoritaire (la CGT), laquelle avait demandé l’organisation d’une consultation des salariés. Un protocole préélectoral avait alors été établi, excluant du vote certains salariés de l’établissement au motif que ces derniers n’étaient pas concernés par les dispositions de l’accord.

 

Le syndicat CFDT a saisi le Tribunal d’instance d’une demande en annulation, tant du protocole préélectoral que des opérations de consultation.

 

La CFDT contestait aussi le fait que l’employeur leur ait directement notifié la demande de la CGT aux fins d’organisation du référendum. En effet, selon le code du travail, cette demande doit être notifiée par l’organisation syndicale qui l’a sollicitée, par écrit et dans un délai d’un mois, aux autres syndicats. D’après la CFDT, l’employeur, en suppléant cette carence du syndicat CGT, aurait manqué à son devoir de neutralité et aurait entaché le référendum d’irrégularité.

 

 

Sur l’identité des salariés concernés par la validité de l’accord par référendum

 

L’article L. 2232-12 du Code du travail prévoit que « participent à la consultation les salariés des établissements couverts par l’accord et électeurs au sens des articles L. 2314-15 et L. 2314-17 à L. 2314-18-1 ».

 

Le Tribunal avait fait une interprétation limitée de cet article en estimant que seuls doivent être consultés les salariés couverts par l’accord et bénéficiaires de ses dispositions.

 

La Cour de cassation retient une interprétation plus exhaustive du texte et considère que l’ensemble des salariés de l’établissement qui remplit les conditions pour être électeurs doivent être consultés. Elle donne donc raison à la CFDT et annule le protocole préélectoral et la consultation afférente.

 

Néanmoins, la Cour émet une réserve : dans l’hypothèse d’un accord catégoriel signé par un syndicat non majoritaire et soumis à référendum, seuls les salariés concernés par la catégorie professionnelle déterminée peuvent participer à la consultation, conformément à l’article L. 2232-13 du Code du travail.

 

Sur la portée de la notification par l’employeur d’une demande d’organisation d’une consultation des salariés par référendum

 

La chambre sociale de la Cour de cassation se prononce également sur les modalités de notification du référendum.

 

Elle précise qu’en l’absence de notification par le syndicat à l’origine de la demande de consultation, l’information donnée par l’employeur de cette demande aux autres organisations syndicales représentatives ne constitue pas un manquement à son obligation de neutralité.

 

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En conclusion, cet arrêt du 9 octobre 2019 précise deux points concernant le dispositif de référendum organisé après un accord signé par un syndicat minoritaire :

 

– Un accord inter catégoriel minoritaire est soumis à la consultation de l’ensemble des salariés électeurs de l’entreprise ou de l’établissement concerné(e),

 

– L’employeur peut venir suppléer la carence du syndicat sollicitant une consultation du personnel et informer directement les autres organisations syndicales représentatives de cette demande.

 

Ainsi, avec une cette décision, la Cour de cassation apporte les premières précisions quant à la mise en œuvre d’un référendum et simplifie la démarche de notification auprès des organisations syndicales.

 

Cass. soc. 9 octobre 2019, n°19-10.816