Rémunération variable et fixation des objectifs : ayez les bons réflexes !

Par Julie De Oliveira et Camille Fournier

Récemment[1], la Cour de cassation a rappelé que la charge de la preuve du caractère réalisable des objectifs fixés au salarié incombait à l’employeur.

 

L’occasion de revenir sur les règles applicables en matière de rémunération variable.

 

En théorie, rien n’interdit de proposer une rémunération intégralement variable mais cela suppose que la convention collective de branche applicable dans l’entreprise ne s’y oppose pas et de compléter le salaire si la somme obtenue en fin de mois est inférieure au Smic en vigueur ou au minimum conventionnel[2].

 

En pratique toutefois, la rémunération du salarié est composée d’une partie fixe et d’un complément variable appelé commission, bonus, salaire au rendement ou encore prime de résultat.

 

Souvent, cet élément variable de rémunération est lié à la réalisation d’un ou plusieurs objectifs fixés par l’employeur, généralement annuellement, par écrit, notamment lors de l’entretien individuel d’évaluation.

 

 

          1. Quelles sont les règles à respecter pour la fixation des objectifs ?

 

La variation de la rémunération variable doit respecter les principes suivants :

 

1° Être fondée sur des éléments objectifs, précis, réalisables et vérifiables par le salarié[3]

 

Qu’ils soient quantitatifs ou qualitatifs, qu’ils reposent sur la performance individuelle et/ou collective (une unité de production, une équipe, un service entier par exemple), les objectifs doivent toujours être raisonnables et réalisables compte tenu de l’état actuel du marché[4].

 

L’exigence d’objectivité implique d’écarter les critères trop généraux[5] ou reposant sur des éléments difficilement vérifiables.

 

Par ailleurs, les objectifs doivent être exposés en français, même si le salarié occupe un poste à dimension internationale et maîtrise parfaitement l’anglais[6].

 

L’employeur doit être en mesure de justifier précisément (avec des données comptables) les modalités de calcul de la rémunération variable.

 

2° Ne pas faire porter le risque d’entreprise sur le salarié.

 

Les objectifs doivent ainsi être fondés sur des éléments objectifs, indépendants de la volonté de l’employeur[7], en vertu du principe de prohibition des clauses potestatives.  La variation ne doit jamais aboutir à faire subir au salarié les pertes d’exploitation de l’entreprise.

 

Par ailleurs, les modalités de calcul de la rémunération variable et la fixation des objectifs à réaliser doivent être retranscrites dans un écrit signé par l’employeur et le salarié.

 

Enfin, les modalités de calcul de la rémunération variable et la fixation des objectifs à réaliser doivent être retranscrites dans un écrit signé par l’employeur et le salarié.

 

Cet écrit peut consister dans le contrat de travail lui-même ou dans une annexe à celui-ci (par exemple un plan de commissionnement) mais également dans un avenant, une lettre simple ou un compte-rendu d’entretien d’évaluation.

 

La signature du salarié vaut acceptation des objectifs fixés. Cette acceptation ne peut se présumer de l’absence de contestation par le salarié du montant de ses commissions[8] pendant l’exécution de son contrat de travail. Cette acceptation n’exclut pas une contestation ultérieure par le salarié si les objectifs s’avèrent irréalisables.

 

Il est possible de prévoir par une disposition claire et non équivoque qu’en cas de rupture du contrat de travail, le versement de la rémunération variable sera proratisé au temps de présence dans l’entreprise ou inversement qu’il sera subordonné à la présence du salarié dans les effectifs en fin de période.

 

 

          2. Quelle est la marge de manœuvre pour l’employeur désirant instaurer une rémunération variable sur objectifs ?

 

En général, pour des raisons de sécurité juridique et d’attractivité, la rémunération variable est annoncée lors du recrutement et inscrite dans le contrat de travail.

 

Il n’en est pas toujours de même pour les objectifs.

 

Si ces derniers sont également inscrits dans le contrat, toute modification des objectifs suppose l’accord du salarié et la signature d’un avenant au contrat de travail.

 

En l’absence de stipulation au contrat, l’employeur fixe les objectifs, dans les limites indiquées ci-avant.

 

Si seule l’existence d’une part variable de rémunération est mentionnée, sans définition des objectifs dans le contrat de travail, l’employeur pourra modifier les objectifs à condition qu’ils soient réalisables et qu’ils aient été portés à la connaissance du salarié en début de période (trimestre, semestre ou année selon la fréquence convenue).

 

L’accord du salarié n’est pas nécessaire pour modifier les objectifs même si cette modification a une incidence sur le montant du salaire[9].

 

 

          3. Et en cas de contentieux ?

 

La charge de la preuve de la connaissance des objectifs par le salarié et de leur caractère réalisable pèse sur l’employeur.

 

Ainsi, si le salarié n’a pas été informé des objectifs en début de période de référence, le juge peut condamner l’employeur à payer l’intégralité de la part variable et ce, même si les objectifs attendus n’ont pas été réalisés[10].

 

Par ailleurs, l’employeur doit verser aux débats tous les éléments permettant de calculer la rémunération variable du salarié. Il lui faut également être en mesure de prouver que les objectifs fixés n’ont pas été atteints par le salarié[11] alors qu’ils étaient réalisables ; à défaut, la part variable de la rémunération est due[12].

 

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Le Département Social du cabinet Péchenard & Associés vous accompagne en tant que conseil dans la fixation et l’appréciation des objectifs donnant lieu à rémunération variable ; il vous défend aussi dans le cadre de contentieux initiés par des salariés réclamant des rappels de salaire à ce titre.

 

Pour toute information, contactez Julie De Oliveira (deoliveira@pechenard.com).

 

[1] Cass. soc., 15 déc. 2021, n°19-20.978

[2] Cass. soc., 11 févr. 1998, n° 95-44.118

[3] Cass. soc., 18 juin 2008, n°07-41.910

[4] Cass. soc., 30 mars 1999, n° 97-41.028 ; Cass. soc., 13 mars 2001, n° 99-41.812

[5] Cass, soc, 8 mars 2012, n°10-18.004 ; Cass, soc., 30 mai 2000, n°97-45.068

[6] Cass. soc., 2 avril 2014, n°12-30.191

[7] Cass. soc., 9 mai 2019, n° 17-27.448

[8] Cass. soc., 6 fév. 2019, n°17-28.744

[9] Cass. soc., 2 mars 2011, n° 08-44.977

[10] Cass. soc., 30 juin 2021, n° 19-25.519

[11] Cass. soc., 9 mars 2011, n°09-16.313

[12] Cass. soc., 15 déc. 2021, n°19-20.978