La Cour de Cassation a été amenée à plusieurs reprises à se prononcer sur le point de départ du délai de prescription d’une action en requalification d’un contrat en bail commercial. Cela a notamment été le cas en présence d’un bail professionnel[1]et d’un contrat de location gérance[2].
Elle vient pour la première fois à notre connaissance, de se prononcer sur cette question à propos d’une location d’un terrain nu [3].
Le bail litigieux portait sur des emplacements de parking contigus à un hôtel que le locataire concerné exploitait par ailleurs au titre d’un bail commercial distinct.
Ce bail d’une durée d’un an, renouvelable par tacite reconduction, avait été signé en 1989. Or, en 2002 le bailleur de ces emplacements de parking a délivré un congé sans offre d’indemnité quelconque puisque le contrat n’était soumis qu’aux dispositions du Code civil. Le locataire saisissait le tribunal et formait une demande de nullité de l’acte au motif que le formalisme imposé par le statut des baux commerciaux n’aurait pas été respecté.
Le bailleur a alors opposé la prescription de la demande, soit deux ans depuis la signature du contrat.
La Cour d’Appel d’Aix-en-Provence n’a pas retenu l’argument et considéré que l’action en nullité du congé pouvait être engagée par le locataire à compter de la date à laquelle le bailleur lui avait dénié le droit au bénéfice du statut des baux commerciaux.
La Cour de Cassation a cassé cet arrêt et rappelé que le délai de prescription court bien à compter de la date de signature du contrat, et non de sa date d’effet. Les éventuels renouvellements ou reconductions sont sans incidence. Ce point avait d’ailleurs été affirmé par la Cour suprême en 2014 [4].
Seule la fraude de l’une des parties suspend la prescription biennale pendant la durée du contrat.
Cette solution a notamment été retenue dans une espèce où il avait été reproché au bailleur d’avoir signé plusieurs « contrat de prestations de services réciproques » pour tenter d’échapper à l’application du statut des baux commerciaux. La Cour de Cassation avait alors considéré que le comportement du bailleur constitutif d’une fraude, avait suspendu le cours de la prescription, permettant ainsi au preneur de former une demande de requalification du contrat de prestations de services bien après l’expiration du délai de deux ans à compter de la conclusion de la première convention[5].
La solution retenue aurait-elle pu être différente si le locataire avait attendu que le bailleur prenne l’initiative d’une procédure en expulsion, et avait alors soulevé par voie d’exception la nullité du congé ?
Cela est peu probable puisque même si l’exception de nullité est perpétuelle, ce principe est écarté dès lors que le contrat contesté a reçu un début d’exécution. Or, sur ce point la jurisprudence de la Cour de cassation est stable et limite le mécanisme de l’exception de nullité aux actes restés lettre morte depuis leur conclusion, ce qui exclut le bail dès lors que le locataire est effectivement entré en jouissance du bien.
Il appartient donc au locataire qui pense pouvoir obtenir une requalification de son contrat en bail commercial, de saisir le tribunal dans le délai de deux ans à compter de sa signature… faute de quoi, l’action sera éteinte.
[1] Cass.Civ.3ème, 22.01.2013, n°11-22.984
[2] Cass.Civ.3ème, 23.11.2011, n°10-24.163
[3] Cass.Civ.3ème, 14.09.2017, FS-P+B, n°16-23.590
[4]Cass.Civ.3ème, 03.12.2014, n°14-19.146
[5] Cass.Civ.3ème, 19.11.2015, n°14-13.882