Squatteurs : l’expulsion à l’épreuve du droit au respect du domicile et de la vie privée

Par Aurélie Pouliguen-Mandrin et Alice Angelot

Par son arrêt du 4 juillet 2019, la Cour de cassation témoigne une nouvelle fois de l’absolutisme du droit de la propriété.[1]

 

Un propriétaire d’une parcelle sollicitait devant le juge des référés, l’expulsion de squatteurs occupant son terrain avec des caravanes. Les occupants sans droit ni nitre invoquaient, pour s’opposer à la mesure d’expulsion, que celle-ci portait atteinte à leur droit au respect de leur domicile et de leur vie privée.

 

Ils faisaient valoir plus précisément que l’expulsion en ce qu’elle leur faisait perdre leur logement constituait une violation du droit au respect du domicile, justifiant qu’elle soit appréciée au regard de l’atteinte portée au droit de propriété. Ni le tribunal de grande instance, ni la cour d’appel de Montpellier n’avaient fait droit à cette argumentation, ce qui n’avait pas empêché les squatteurs de saisir la Cour de cassation.

 

Celle-ci, confirmant les décisions de première instance et d’appel, rappelle que l’expulsion est la seule mesure de nature à permettre au propriétaire de recouvrer la plénitude de son droit sur le bien occupé illicitement.[2]

 

C’est pourquoi, s’inscrivant dans le cadre d’une jurisprudence constante en matière d’expulsion [3], elle réaffirme que l’ingérence dans le droit au respect du domicile et de la vie privée des occupants sans droit ni titre est justifiée au regard du trouble manifestement illicite causé et de l’atteinte portée au droit de propriété.

 

De même, le droit à un logement décent, objectif à valeur constitutionnelle, invoqué uniquement en première instance et cause d’appel par les squatteurs, est inopérant contre une mesure d’expulsion d’un bien privé dans la mesure où la nécessité de satisfaire à cet objectif est opposable à la personne publique, et non aux particuliers, comme l’a rappelé la Cour d’appel de Montpellier.[4]

 

La Cour de cassation et les juridictions du fond ont donc fait primer le droit de propriété sur les autres droits fondamentaux invoqués.

 

Toutefois, la Cour rappelle régulièrement que cela n’exonère pas les juges de réaliser un contrôle de proportionnalité en recherchant au cas par cas si la mesure demandée pour faire cesser le trouble manifestement illicite au droit de propriété est proportionné à l’ingérence dans les autres droits qui en résulte, sous peine de voir leur décision censurée.[5]

 

 

[1] Civ 3ème, 4 juillet 2019, n°18-17119

[2] Civ 3ème, 17 mai 2018, n°16-15792

[3] Civ 3ème, 17 décembre 2015, n°14-22095 ; Civ 3ème, 21 décembre 2017, n°16-25469

[4] CA Montpellier, 19 octobre 2017, n° 17/03427

[5] Civ 3ème, 17 décembre 2015, n°14-22095 ; Civ 3ème, 30 septembre 2015, n° 14-16273 ; Civ 3ème, 21 janvier 2016, n°15-10566 ; CESDH 4 nov. 1950, art. 8