Le Télétravail après les ordonnances Macron

Par Julie De Oliveira et Laëtitia Garcia

Créé depuis maintenant 12 ans, le télétravail concerne de façon plus ou moins formelle 20% de salariés actifs dont 90% se déclarent satisfaits, voire très satisfaits de leur expérience. C’est ce qui ressort de la concertation menée par les partenaires sociaux sur le télétravail en France au début de l’année 2017. Il apparait en outre que 61% des salariés français aspirent à ce mode d’organisation du travail.

 

Dans le cadre des ordonnances dites « Macron » du 22 septembre 2017, en vigueur depuis le 24 septembre 2017, le gouvernement a entendu répondre au souhait formulé par les partenaires sociaux dans leur rapport remis le 7 juin 2017 en consolidant le cadre juridique du télétravail et en l’adaptant à son évolution afin de faciliter et favoriser le recours au télétravail par les salariés.

 

Les mesures issues de l’article 21 de l’ordonnance n°2017-1387 modifiant les articles L. 1222-9 et suivants du Code du travail visent également à lever un certain nombre de difficultés relevées en pratique par ce mode d’organisation du travail.

 

Ainsi, le télétravail peut désormais être régulier ou occasionnel.

 

L’exigence d’un télétravail régulier disparaît de la définition du télétravail qui désigne dorénavant « toute forme d’organisation du travail dans laquelle un travail qui aurait également pu être exécuté dans les locaux de l’employeur est effectué par un salarié hors de ces locaux de façon volontaire en utilisant les technologies de l’information et de la communication » (Cf. art. L. 1222-9 du Code du travail).

 

Les conditions de mise en œuvre du télétravail ont également été assouplies.

 

En effet, il n’est plus nécessaire que le télétravail soit prévu dans le contrat de travail ou par un avenant à ce contrat. Le télétravail régulier peut désormais être mis en place par accord d’entreprise ou à défaut dans le cadre d’une charte élaborée par l’employeur après avis du Comité social et économique s’il existe.

 

Cet accord ou cette charte doit préciser les conditions de passage en télétravail (postes éligibles au télétravail, le nombre de jours télétravaillés, la période d’adaptation notamment) et de retour à une exécution du contrat sans télétravail, les modalités d’acceptation par le salarié des conditions de mise en œuvre du télétravail, les modalités de contrôle du temps ou de la charge de travail et la détermination des horaires durant lesquels l’employeur peut habituellement contacter le salarié en télétravail.

 

Egalement, si la prise en charge des coûts découlant directement de l’exercice du télétravail a disparu de l’article L. 1222-10 du Code du travail, le rapport joint à l’ordonnance n°2017-1387 précise que les modalités de prise en charge de ces coûts doivent être visées dans l’accord collectif ou la charte.

 

En l’absence de charte ou d’accord, le salarié et l’employeur peuvent convenir « par tout moyen » du recours au télétravail de manière occasionnelle. Il semble donc qu’en l’absence de charte ou d’accord, seul le télétravail occasionnel soit envisagé par l’ordonnance.

 

Quoiqu’il en soit, le télétravail revêt toujours un caractère volontaire pour le salarié et pour l’employeur, auquel il ne peut être dérogé.

 

L’ordonnance Macron a cependant durci les conditions dans lesquelles l’employeur peut refuser à un salarié qui le souhaite le bénéfice du télétravail.

 

Si le texte n’est pas revenu sur cette possibilité de refus, il précise dorénavant que l’employeur doit motiver sa réponse.

 

Il est fort probable que cette nouvelle disposition ouvre la voie à une possibilité de contester le refus opposé par l’employeur dès lors que les motifs invoqués ne sont pas objectifs, et ce bien qu’aucune procédure n’ait été prévue dans le Code du travail. Le refus de l’employeur pourrait ainsi caractériser une discrimination ou une inégalité de traitement, voire du harcèlement.

 

A noter que les différents motifs de refus peuvent être éventuellement énumérés dans l’accord d’entreprise ou la charte (poste non éligible au télétravail, logement non adapté, coûts techniques liés au transfert du poste, risque de désorganisation au sein de l’équipe…).

 

A l’inverse, l’employeur peut proposer à ses salariés un passage en télétravail mais il ne peut pas les y contraindre, le refus opposé par le salarié ne pouvant constituer un motif de rupture du contrat de travail.

 

Les ordonnances Macron ont également permis de codifier dans la loi le principe général d’égalité de traitement entre salariés selon lequel les télétravailleurs bénéficient des mêmes droits et avantages légaux et conventionnels que les salariés qui exécutent leur travail dans les locaux de l’entreprise, notamment en ce qui concerne l’accès aux informations syndicales, la participation aux élections professionnelles et l’accès à la formation.

 

Enfin, est réglée la question sensible de la qualification de l’accident survenu pendant le télétravail puisque l’ordonnance n°2017-1387 institue, ce qui est nouveau, une présomption d’accident du travail en cas d’accident survenu sur le lieu où est exercé le télétravail pendant les heures de l’activité professionnelle.

 

Cette présomption a pour effet de dispenser le salarié d’établir la preuve du lien de causalité entre l’accident et le contexte professionnel.

 

En pratique, la prise en charge des accidents du travail se fera dans les mêmes conditions que si le salarié se trouvait dans les locaux de l’entreprise.