Tik Tok : un nouveau Las Vegas 2.0 ?

Par Fabien Honorat

Depuis plusieurs années certaines voix s’élèvent contre la monétisation du réseau social préféré de nos chères têtes blondes.

 

De quoi parle-t-on ? Et comment un réseau social dont l’accès est gratuit peut permettre à ces utilisateurs (de surcroît mineurs) de participer à des jeux payants ?

 

Il est possible sur Tik Tok d’alimenter un porte-monnaie virtuel (avec de vrais euros) pour pouvoir distribuer sur le réseau social des « récompenses » ou « cadeaux » (la rose, le donut, le lion ou encore le ballon de rugby…)  à d’autres utilisateurs du réseau.

 

C’est ainsi que se sont développées trois pratiques largement utilisées par les influenceurs Tik Tok auprès de leurs abonnés :

 

  • les « matchs » : deux tiktokeurs s’affrontent dans un duel en live sur un sujet quelconque demandant à leurs abonnés de leur donner le plus de « récompenses » possibles pour gagner le duel ,

 

  • les « lives control » : des tiktokeurs réagissent en live à toutes les demandes de leurs abonnés en contrepartie de l’envoi d’une récompense (syndrome dit « donne la papatte ! »).

 

  • Et plus classiquement des démarches de type « donnant-donnant » : un tiktokeur offre un cadeau virtuel, un « like » ou un abonnement en retour ou propose de faire la promotion du compte d’un abonné, en échange du paiement d’une « récompense ».

 

La plateforme prélève sa commission sur l’ensemble de ces transactions.

 

Ces activités permettent de générer de confortables revenus pour les influenceurs concernés et la plateforme elle-même (selon Data.ia, les utilisateurs de Tik Tok y avait dépensé 6 milliards de dollars en 2022).  Il y a clairement un sujet fiscal central sur la qualification de ces flux d’argent mais la problématique s’est aussi déportée sur le terrain des loteries.

 

En effet, il a été mis en parallèle ces pratiques avec celles des casinos. Il est possible que le mécanisme d’addiction soit similaire dans l’un et l’autre cas mais sur le plan juridique la comparaison est moins certaine.

 

En France, c’est l’article L. 320-1 du code de la sécurité intérieure qui définit les jeux d’argent et de hasard : « toutes opérations offertes au public, sous quelque dénomination que ce soit, pour faire naître l’espérance d’un gain qui serait dû, même partiellement, au hasard et pour lesquelles un sacrifice financier est exigé de la part des participants ».

 

Le principe est l’interdiction stricte des jeux d’argent sauf exception (casinos, opérateurs habilités, loteries purement publicitaires).

 

Le texte pose quatre critères pour qualifier une pratique de jeux d’argent : une opération présentée au public, l’espérance d’un gain, le hasard vient déterminer le ou les gagnants, la participation implique un sacrifice financier.

 

Si l’un de ces critères est absent, alors la pratique est licite au regard des dispositions relatives aux jeux d’argent.  Or pour les pratiques Tik Tok les plus répandues, il y a rarement un gain tangible offert aux gagnants par les influenceurs (il est difficile d’assimiler un « like » ou une action quelconque à un gain) de sorte qu’il est probable que ces pratiques sortent du cadre en question.

 

Donc d’un point de vue purement juridique, il apparaît impropre de qualifier ces nouveaux espaces de « casinos virtuels » mais la situation va peut-être changer.

 

C’est d’ailleurs en ce sens qu’un amendement a été déposé par deux députés dans le cadre du projet de loi visant à sécuriser et réguler l’espace numérique (loi SREN) actuellement en discussion au Parlement (loi adoptée en première lecture à l’assemblée nationale le 17 octobre 2023).

 

Affaire à suivre donc…

 

 

 

Pour toute information, contactez Fabien Honorat (honorat@pechenard.com).